Après le Bénin et le Cameroun, la compagnie aérienne gabonaise Afrijet vient de s’associer à la compagnie française La Compagnie pour lancer la nouvelle ligne Paris-Libreville. Marc Gaffajoli, CEO d’Afrijet revient dans cette interview sur la stratégie de la compagnie gabonaise et de ses ambitions d’expansion avec cette importante route pour l’économie du Gabon.
Afrijet a récemment lancé une nouvelle ligne Paris-Libreville, en partenariat avec La Compagnie. Pourquoi cette ouverture, et qu’est ce qui a inspiré cette association ?
Marc Gaffajoli: Malgré la volonté des Etats africains de développer des compagnies aériennes nationales ou régionales, les routes du Nord vers le Sud et du Sud vers le Nord sont encore majoritairement dominées par les compagnies aériennes occidentales. Aujourd’hui, le rapport de force n’est pas en faveur de l’Afrique puisqu’il n’existe aucun adversaire africain de la taille des grands groupes européens.
Avec le lancement de cette ligne, nous souhaitons véritablement changer d’approche en reprenant la main sur une route importante pour l’économie et l’ensemble de la société gabonaise. Cela passe notamment par le déploiement de nouveaux avions de type moyen-courrier comme l’A321 Néo capable de faire de longues distances à des coûts moindres.
La question des coûts est un véritable enjeu en Afrique, le continent manquant cruellement d’une industrie financière forte pour financer ses avions. Cependant, grâce aux droits de trafic en vigueur, Afrijet a pu s’affranchir du manque d’appétit régional pour le financement aéronautique en s’alliant avec La Compagnie et avoir ainsi accès à une nouvelle génération d’avions, sans avoir à investir au-delà de nos moyens. Cette collaboration permet ainsi de proposer des prix extrêmement compétitifs et de redonner à l’Afrique Centrale la main sur le coût de connexion de son économie.
Enfin, le lancement de cette ligne répond avant tout à une demande de nos clients qui aspirent à un renouvellement du produit, qui n’a cessé de se dégrader ces dernières années malgré la hausse des prix des billets. Les passagers aspirent à de nouveaux concepts.
La crise sanitaire de la Covid-19 a joué un rôle clé dans le renouvellement du rapport à l’aviation. En effet, les passagers aspirent à retrouver des avions neufs, équipés des toutes dernières technologies, à bénéficier d’un confort idéal et à être surpris. En sens, le partenariat commercial avec La Compagnie permet de disposer d’un savoir-faire ainsi que d’un modèle opérationnel et économique à même d’être compétitif. De plus, La Compagnie étant un opérateur français, et Afrijet, gabonais, cette nouvelle association aérienne permet ainsi de montrer, voire de célébrer une autre façon de coopérer entre le Gabon et la France, axée sur une coopération gagnant-gagnant.
Pourquoi avoir choisi cette option « tout classe affaires » ? Ne craignez-vous pas qu’elle soit présentée comme une « classe de privilégiés » ?
Les voyages d’affaires correspondent à un transport aérien spécifique qui a ses propres besoins et ses propres attentes. Malgré la crise de la Covid-19, les économies du monde entier, y compris en Afrique, ont besoin de se reconnecter pour (re) créer de l’emploi et de l’activité. Nous avons donc souhaité répondre à cette demande urgente et importante en créant cette option « tout affaires » dans un premier temps.
Certes, nous avons souhaité répondre à cette demande urgente et importante en créant cette option « tout affaires » dans un premier temps, mais nous travaillons également en parallèle au déploiement d’un produit dédié à la classe économique, à moindre coût mais tout aussi performant.
Par rapport à vos concurrents, quels sont les avantages comparatifs de cette ligne et du service que vous proposez ?
Avec le lancement de cette ligne, nous avons souhaité proposer des prix plus attractifs aux voyageurs, tout en leur garantissant un service de qualité et innovant. L’avantage de cette ligne réside également sa connectivité à l’arrivée au Gabon. En effet, Afrijet propose une continuité immédiate vers la capitale pétrolière Port-Gentil avec des possibilités de connexion sur l’ensemble de la sous-région. En France, l’aéroport d’Orly est le plus proche de la capitale et offre de nombreux choix de connexion sur l’ensemble du territoire. De plus, au sein-même d’Orly, des services personnalisés de conciergerie peuvent être mis en place à l’image de l’aide aux formalités ou encore de la possibilité pour les passagers d’être accompagnés pendant leur correspondance.
A l’heure où l’épidémie semble connaître une nouvelle flambée dans un certain nombre de pays, ne craignez-vous que des restrictions sanitaires supplémentaires aient un impact sur les réservations ?
Cette épidémie de Covid-19 se caractérise par son profil imprévisible et son lot de variants. Il est donc très difficile de prévoir en avance les mesures de restriction sanitaire. Cependant, bien que profondément ébranlées par la pandémie, les Etats du monde entier commencent progressivement à sortir de cette longue période de morosité économique.
En effet, il existe aujourd’hui un certain nombre d’outils permettant de contenir, voire de maîtriser en partie la pandémie sur l’ensemble des économies mondiales ; j’entends notamment les tests, les vaccins, les corridors sanitaires et la bonne assimilation par les passagers des gestes barrière. Certains estiment que l’arrivée du variant Omicron a bouleversé la donne, ayant entrainé des fermetures ciblées ou total de fermeture de frontières.
En réalité, ces mesures sont temporaires. L’Organisation mondiale de la santé elle-même recommande d’éviter de recourir à des mesures de fermeture des frontières, ce qui prouve que la perception de la menace à changer et le niveau de préparation à la riposte aussi. Aujourd’hui, nous avons la conviction que le Gabon a un protocole sanitaire strict et efficace qui lui a permis de rouvrir progressivement ses frontières. Gardons à l’esprit que le trafic passagers entre la France et le Gabon est profondément lié à des besoins essentiels ! Or, grâce aux mesures sanitaires efficaces mises en place, aussi bien par la France que par le Gabon, les voyages d’affaires ont pu reprendre en toute sécurité avec la confiance des passagers dans le protocole.
Avec la crise, il est probable que les voyages d’affaires aient peu de chance de retrouver leur niveau d’avant-crise avant 2030 (restriction des voyages, démocratisation de la visio-conférence, responsabilité des entreprises vis-à-vis de la santé de leurs salariés). Or, votre nouvelle ligne semble destinée au secteur privé. Pensez-vous que vous allez devoir reconsidérer votre offre ?
A mon sens, cette analyse est pertinente, dans le domaine des services et dans l’hémisphère nord. Elle s’applique mal à la spécificité du trafic aérien africain car celui-ci est fondé sur des besoins essentiels, liés au commerce, mais aussi à la famille et à la santé. Il est de fait plus résilient.
Il y aussi une importante diaspora française au Gabon et gabonaise en France, qui voyage pour raisons familiales. Les voyageurs à motif professionnel sont conduits à utiliser cette ligne, car leur activité exige une présence physique dans un des pays. L’exploitation des plateformes pétrolières pour ne prendre que cet exemple s’effectue difficilement en télétravail…
Le Gabon a fait le choix de l’éco-tourisme haut de gamme dans le cadre de la diversification de son économie. Son positionnement est clair : offrir au voyageur une expérience unique au cœur de la deuxième plus grande forêt du monde, dans une nature totalement préservée. Notre produit aérien va faciliter cette découverte.
Le secteur aérien est appelé par de nombreuses parties prenantes à accélérer sa transition écologique. Selon vous, la stratégie d’Afrijet répond -elle aux défis de notre siècle ?
Aujourd’hui, nous nous accordons tous pour dire que la décarbonisation de l’aviation est une nécessité qui doit se faire étape par étape. De nombreux efforts d’investissement sont dédiés à la R&D pour proposer des technologies durables. Cependant, à l’heure actuelle, ces technologies innovantes sont encore en phase expérimentale et mettront probablement plus de dix ans avant d’être certifiées.
L’urgence est donc de développer des solutions plus pragmatiques, que nous maîtrisons déjà en privilégiant des appareils qui génèrent la plus faible consommation de carburant. C’est ce que nous avons déjà fait chez Afrijet au niveau de notre réseau régional avec nos ATR 72-600 et c’est ce que nous allons faire avec La Compagnie. Pour vous donner une idée, l’A321 Néo utilisé pour la ligne Paris-Libreville/Libreville-Paris a une consommation de carburant inférieure de 15 % à 20 % au regard de celle de l’A321 classique. L’empreinte carbone est donc réduite.
Source TA avec la rédaction