Paiements : Moscou envisage d’autoriser les cryptomonnaies pour contourner les sanctions

 

Lorsque l’on est Russe et que l’on dispose uniquement de comptes bancaires basés en Russie, comment faire pour recevoir des paiements de l’étranger ? C’est tout le dilemme qui se pose aujourd’hui à des millions de Russes qui commerçaient auparavant avec des comptes bancaires situés dans des pays étrangers, qui appliquent désormais les sanctions occidentales, en représailles à l’invasion de l’Ukraine depuis le 24 février. Alors que le gouvernement Poutine cherche toutes les alternatives pour atténuer les effets des sanctions – tel le blocage de la messagerie de transfert Swift pour les banques les plus populaires du pays, la dernière parade trouvée est inédite. Pour les transactions avec l’international, le Kremlin envisage d’autoriser le paiement en cryptomonnaies, ces actifs qui s’échangent sur la blockchain, sans le contrôle d’une autorité centrale.

« L’idée d’utiliser les monnaies numériques dans les transactions pour les règlements internationaux est activement discutée », a déclaré vendredi Ivan Tchebeskov, chef du département de la politique financière du ministère des Finances, cité par l’agence de presse Interfax. En d’autres termes, un consommateur russe disposant d’un portefeuille de crypto-actifs sur une plateforme en ligne ou sur une clé USB (ledger) pourrait l’utiliser pour contourner l’interdiction auprès d’un autre détenteur de comptes cryptos.

Autoriser la cryptomonnaie comme moyen de règlement pour le commerce international permettrait de contrecarrer l’impact des sanctions occidentales, qui ont vu l’accès de la Russie aux modes de paiement transfrontaliers traditionnels « limité », a-t-il ajouté.

Le ministère des Finances discute de l’ajout de la dernière proposition sur les paiements internationaux à une version actualisée d’un projet de loi, a rapporté vendredi le journal Vedomosti, citant des responsables gouvernementaux.

Sortir de la dépendance

Pour Moscou, l’enjeu est double. D’abord, il s’agit de soutenir le rouble, la devise nationale qui ne peut plus s’appuyer sur les réserves de devises étrangères gelées détenues par la Banque centrale russe. En effet, en cas de dépréciation trop forte du rouble, les prix – déjà soumis à une forte inflation suite à l’arrêt des importations de produits étrangers – ne feraient que croître pour les Russes. De quoi fragiliser le soutien de la population au régime et à la politique de Vladimir Poutine, face à une économie déjà plongée dans une récession vertigineuseLa baisse des taux de la banque centrale n’a d’ailleurs pas d’autre rôle que de soutenir cette économie de guerre.

Aussi, dans leur quotidien, les Russes ont vu les services bancaires et de paiement en ligne fermer un à un. Après Visa, Mastercard, American Express, les autres solutions des pure players tels PayPal, Google Pay et Apple Pay ont suivi, bloquant des millions de transactions autrefois opérées. Pour y remédier, Moscou s’est tourné vers des solutions chinoises.

Bras de fer russe

L’autre enjeu de cet intérêt pour les cryptomonnaies pour le régime autoritaire est aussi de participer à réduire la dépendance des échanges internationaux au dollar.

En ce sens, la banque centrale est d’ailleurs déjà à la manoeuvre pour expérimenter un rouble numérique, soit une monnaie numérique centralisée (MNBC) pour créer un nouvel ordre monétaire à l’intérieur mais aussi avec ses nouveaux partenaires, à commencer par la Chine déjà en pointe sur le e-yuan.

Mais les responsables russes veulent visiblement aller plus loin que le projet de la banque centrale (qui optait pour une interdiction cryptos afin de privilégier sa MNBC), et d’autoriser plus largement le marché des cryptomonnaies, tout en le réglementant.

Alors que les Etats-Unis font pression sur leurs alliés pour empêcher le paiement des hydrocarbures importés de Russie en dollar, un parlementaire russe avait d’ailleurs émis l’idée d’accepter le paiement en bitcoin (la crypto la plus populaire en Russie, suivie par le Tether, le Litecoin puis Ethereum et le Dogecoin, selon Brand Anaytics en 2021) contre des livraisons de gaz et de pétrole.

Sur ce sujet, des discussions sont en cours depuis des mois et, bien que le gouvernement s’attende à ce que les cryptomonnaies soient légalisées tôt ou tard comme moyen de paiement, aucun consensus n’a encore été atteint.

Grâce à son climat, la Russie est d’ailleurs une terre importante pour le minage des cryptomonnaies, particulièrement énergivore. Plusieurs crypto-actifs russes ont également été lancés sur les plateformes d’échanges locales.

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