Travaux publics : Charier veut développer le premier tracteur 100% hydrogène vert d’Europe

Il ne roule pas encore, mais a déjà reçu le trophée « sobriété et décarbonation des engins » lors des « trophées des travaux publics 2022 ». Développé par la société de Travaux Publics Charier et remotorisé par le spécialiste vendéen du rétrofit E-Neo, le premier tracteur à hydrogène européen devrait faire son apparition sur le chantier d’extension du port de la Turballe (44) en avril prochain. « Si tout va bien… », s’impatiente Valery Ferber, directeur Environnement et Innovation, dont le projet lancé en 2020 reste suspendu à la réception d’une pièce retardée par la pénurie de composants… Semée d’embûches, l’expérimentation prend du temps. Et sa généralisation, lointaine, reste sous conditions.

Engagée dans une démarche RSE depuis 2004, Charier a, depuis, multiplié les actions pour limiter son impact environnemental pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030. « Une partie de notre flotte automobile a basculé en électrique, nous remplaçons notre parc matériel par des engins de chantiers de nouvelle génération moins polluants, nous formons nos collaborateurs à l’éco-conduite… mais on voulait aller plus loin», affirme Paul Bazireau, Président du directoire de Charier (1.600 personnes) dont la flotte de véhicules consomme plus de dix millions de litres de gasoil par an.

Juste un copier-coller
« En 2014, lors de notre premier bilan carbone, nous avions identifié deux sources de progrès : les matériaux et l’énergie, dont 70% provenaient du gasoil routier, pour les deux tiers générés par les engins de travaux », rappelle Valery Ferber. Face à l’alternative du gaz, des biocarburants voire du biogaz et à l’impossible électrification d’un bulldozer qui engloutit cinq cents à six-cents litres de gasoil par jour, Charier a, cette fois, jeté son dévolu sur l’hydrogène vert. « En raison de la proximité du producteur vendéen Lhyfe avec qui nous avons noué un partenariat, c’est la partie la plus simple », indique Valery Ferber, dont l’entreprise a choisi de remotoriser un tracteur agricole plutôt qu’un bulldozer ou une pelleteuse. « Parce qu’il est capable de rouler sur la route et d’aller rejoindre une station-service», justifie-t-il.

Interrogés, aucun des constructeurs d’engins consultés n’apportaient de réponse satisfaisante, selon Charier. Sur ce marché conditionné par la présence de station-service, les constructeurs sont néanmoins dans les starting-blocks. A l’instar de du néerlandais New Holland, venu sur le biogaz et qui finalise un modèle hydrogène hybride utilisant encore quelques gouttes de diesel.

Pour Charier, la solution viendra de Vendée où E-Neo, spécialiste du rétrofit de véhicules et de poids lourds, va mettre les mains dans le moteur d’un tracteur John Deere de 210 chevaux, finalement acheté d’occasion par Charier. Pour s’être fait la main sur plusieurs trente-huit tonnes, E-Neo maitrise l’intégration (suppression du réservoir, du moteur thermique et du système de refroidissement, mise place d’un moteur électrique, d’une batterie alimentée par une pile à combustible, etc…) « C’est un copier-coller de ce que l’on fait sur les poids lourds. Grâce à la solution de communication que nous avons développé en interne, le conducteur ne fait aucune différence avec la conduite d’un véhicule thermique », résume Jeremy Cantin, fondateur et dirigeant d’E-Neo. A partir de là, Charier a dû résoudre une autre problématique.

Une innovation de rupture pour faire le plein
Cette difficulté, c’est tout simplement comment faire le plein. Ou comment alimenter l’engin en hydrogène ? Cette fois, c’est Europe Technologies, un groupe nantais spécialisé dans la conception de moyen industriel qui relève le défi. « Nous avions deux verrous technologiques à lever : maitriser le stockage haute pression, le déversement de l’hydrogène et maitriser les réactions thermiques d’un produit hautement inflammable. L’enjeu était, aussi, de pouvoir inscrire ce système dans la chaine logistique de distribution », explique Christelle Boutolleau, directrice générale d’Europe Technologies, dont le savoir-faire avait déjà été utilisé pour le stockage de GNL utilisé pour alimenter des groupes électriques industriels. Finalement, Europe Technologies a mis au point un réservoir mobile, d’une capacité de 450kg (350 à 500 bars) sous la forme d’un conteneur de vingt pieds, composé d’une série de réservoirs en cascade permettant de distribuer l’hydrogène, sans avoir recours à un compresseur. Une innovation qui garantit la sécurité et exclut les problèmes de maintenance. Moins couteux qu’une station à hydrogène, ce MC 500 permettra de charger chez Lhyfe et de distribuer l’hydrogène sur les chantiers opérés par Charier. Pris en charge par Europe Technologies, l’investissement en R&D porterait sur un million d’euros. Mis à disposition par le groupe industriel nantais qui projette diverses solutions de location, le MC 500 sera facturé à Charier, au nombre de kilos d’hydrogène distribués et consommé par son tracteur.

Trois à cinq ans avant de décoller
Selon Valery Ferber, l’engin devrait consommer 30 kilos d’hydrogène/jour. Le MC 500 devrait lui permettre une autonomie de 10 à 15 jours. « Là, on est encore dans le flou, reconnait-il. Toutes ces données demandent à être validées sur le terrain. Mais déjà, si l’on en croit une étude du cabinet Carbone 4, une motorisation électrique permettrait de réduire de 65% les émissions de gaz à effet de serre ». Entre l’acquisition du tracteur et les installations nécessaires à l’exploitation du matériel, l’investissement porte sur 400.000 euros, financés en fonds propres par Charier, avec le concours d’une aide régionale.

Quel sera le coût réel en exploitation à l’avenir ? De nombreux facteurs entrent en ligne de compte et de nombreuses questions sont en suspens. « Comme l’évolution de l’offre des constructeurs, la maitrise de la chaine logistique, la baisse du coût du kilo de l’hydrogène vert annoncé pour 5 à 6 euros, mais on n’y est pas encore, les conditions de maintenance, etc. Et enfin, la technologie pourra-t-elle être dupliquée sur une pelle mécanique ? Dans combien de temps, la solution sera-t-elle viable ? Trois mois ou deux ans, on l’ignore », admet le directeur Environnement et Innovation de Charier, qui a reçu le concours de nombreux acteurs régionaux, dont le groupe de levage et manutention Manitou, attentif, et lui aussi engagé sur des projets « hydrogène. »

« On ne pense pas véritablement décoller d’ici trois à cinq ans. Et la filière ne devrait pas être opérationnelle avant dix ans. A moins qu’une crise énergétique, comme on le voit en ce moment, jusqu’ici complètement impensable, ne rebatte complètement les cartes », observe Valery Ferber.

Avec les efforts engagés et à travers ce qui a pu être mesuré, Charier estime avoir diminué ses émissions de carbone de 10% à 12% entre 2008 et 2020. « Nous ne sommes pas à l’échelle de ce que l’on veut faire », reconnait Valery Ferber, qui en parallèle étudie la méthanisation pour d’autres équipements, eux aussi, gourmand en gasoil « Un sujet techniquement difficile et confronté à de fortes oppositions» réfléchit-il, sans lever le pied de l’accélérateur.

Il ne roule pas encore, mais a déjà reçu le trophée « sobriété et décarbonation des engins » lors des « trophées des travaux publics 2022 ». Développé par la société de Travaux Publics Charier et remotorisé par le spécialiste vendéen du rétrofit E-Neo, le premier tracteur à hydrogène européen devrait faire son apparition sur le chantier d’extension du port de la Turballe (44) en avril prochain. « Si tout va bien… », s’impatiente Valery Ferber, directeur Environnement et Innovation, dont le projet lancé en 2020 reste suspendu à la réception d’une pièce retardée par la pénurie de composants… Semée d’embûches, l’expérimentation prend du temps. Et sa généralisation, lointaine, reste sous conditions.

Engagée dans une démarche RSE depuis 2004, Charier a, depuis, multiplié les actions pour limiter son impact environnemental pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030. « Une partie de notre flotte automobile a basculé en électrique, nous remplaçons notre parc matériel par des engins de chantiers de nouvelle génération moins polluants, nous formons nos collaborateurs à l’éco-conduite… mais on voulait aller plus loin», affirme Paul Bazireau, Président du directoire de Charier (1.600 personnes) dont la flotte de véhicules consomme plus de dix millions de litres de gasoil par an.

Juste un copier-coller

« En 2014, lors de notre premier bilan carbone, nous avions identifié deux sources de progrès : les matériaux et l’énergie, dont 70% provenaient du gasoil routier, pour les deux tiers générés par les engins de travaux », rappelle Valery Ferber. Face à l’alternative du gaz, des biocarburants voire du biogaz et à l’impossible électrification d’un bulldozer qui engloutit cinq cents à six-cents litres de gasoil par jour, Charier a, cette fois, jeté son dévolu sur l’hydrogène vert. « En raison de la proximité du producteur vendéen Lhyfe avec qui nous avons noué un partenariat, c’est la partie la plus simple », indique Valery Ferber, dont l’entreprise a choisi de remotoriser un tracteur agricole plutôt qu’un bulldozer ou une pelleteuse. « Parce qu’il est capable de rouler sur la route et d’aller rejoindre une station-service», justifie-t-il.

Interrogés, aucun des constructeurs d’engins consultés n’apportaient de réponse satisfaisante, selon Charier. Sur ce marché conditionné par la présence de station-service, les constructeurs sont néanmoins dans les starting-blocks. A l’instar de du néerlandais New Holland, venu sur le biogaz et qui finalise un modèle hydrogène hybride utilisant encore quelques gouttes de diesel.

Pour Charier, la solution viendra de Vendée où E-Neo, spécialiste du rétrofit de véhicules et de poids lourds, va mettre les mains dans le moteur d’un tracteur John Deere de 210 chevaux, finalement acheté d’occasion par Charier. Pour s’être fait la main sur plusieurs trente-huit tonnes, E-Neo maitrise l’intégration (suppression du réservoir, du moteur thermique et du système de refroidissement, mise place d’un moteur électrique, d’une batterie alimentée par une pile à combustible, etc…) « C’est un copier-coller de ce que l’on fait sur les poids lourdsGrâce à la solution de communication que nous avons développé en interne, le conducteur ne fait aucune différence avec la conduite d’un véhicule thermique », résume Jeremy Cantin, fondateur et dirigeant d’E-Neo. A partir de là, Charier a dû résoudre une autre problématique.

Une innovation de rupture pour faire le plein

Cette difficulté, c’est tout simplement comment faire le plein. Ou comment alimenter l’engin en hydrogène ? Cette fois, c’est Europe Technologies, un groupe nantais spécialisé dans la conception de moyen industriel qui relève le défi. « Nous avions deux verrous technologiques à lever : maitriser le stockage haute pression, le déversement de l’hydrogène et maitriser les réactions thermiques d’un produit hautement inflammable. L’enjeu était, aussi, de pouvoir inscrire ce système dans la chaine logistique de distribution », explique Christelle Boutolleau, directrice générale d’Europe Technologies, dont le savoir-faire avait déjà été utilisé pour le stockage de GNL utilisé pour alimenter des groupes électriques industriels. Finalement, Europe Technologies a mis au point un réservoir mobile, d’une capacité de 450kg (350 à 500 bars) sous la forme d’un conteneur de vingt pieds, composé d’une série de réservoirs en cascade permettant de distribuer l’hydrogène, sans avoir recours à un compresseur. Une innovation qui garantit la sécurité et exclut les problèmes de maintenance. Moins couteux qu’une station à hydrogène, ce MC 500 permettra de charger chez Lhyfe et de distribuer l’hydrogène sur les chantiers opérés par Charier. Pris en charge par Europe Technologies, l’investissement en R&D porterait sur un million d’euros. Mis à disposition par le groupe industriel nantais qui projette diverses solutions de location, le MC 500 sera facturé à Charier, au nombre de kilos d’hydrogène distribués et consommé par son tracteur.

Trois à cinq ans avant de décoller

Selon Valery Ferber, l’engin devrait consommer 30 kilos d’hydrogène/jour. Le MC 500 devrait lui permettre une autonomie de 10 à 15 jours. « Là, on est encore dans le flou, reconnait-il. Toutes ces données demandent à être validées sur le terrain. Mais déjà, si l’on en croit une étude du cabinet Carbone 4, une motorisation électrique permettrait de réduire de 65% les émissions de gaz à effet de serre ». Entre l’acquisition du tracteur et les installations nécessaires à l’exploitation du matériel, l’investissement porte sur 400.000 euros, financés en fonds propres par Charier, avec le concours d’une aide régionale.

Quel sera le coût réel en exploitation à l’avenir ? De nombreux facteurs entrent en ligne de compte et de nombreuses questions sont en suspens. « Comme l’évolution de l’offre des constructeurs, la maitrise de la chaine logistique, la baisse du coût du kilo de l’hydrogène vert annoncé pour 5 à 6 euros, mais on n’y est pas encore, les conditions de maintenance, etc. Et enfin, la technologie pourra-t-elle être dupliquée sur une pelle mécanique ? Dans combien de temps, la solution sera-t-elle viable ? Trois mois ou deux ans, on l’ignore », admet le directeur Environnement et Innovation de Charier, qui a reçu le concours de nombreux acteurs régionaux, dont le groupe de levage et manutention Manitou, attentif, et lui aussi engagé sur des projets « hydrogène. »

« On ne pense pas véritablement décoller d’ici trois à cinq ans. Et la filière ne devrait pas être opérationnelle avant dix ans. A moins qu’une crise énergétique, comme on le voit en ce moment, jusqu’ici complètement impensable, ne rebatte complètement les cartes », observe Valery Ferber.

Avec les efforts engagés et à travers ce qui a pu être mesuré, Charier estime avoir diminué ses émissions de carbone de 10% à 12% entre 2008 et 2020. « Nous ne sommes pas à l’échelle de ce que l’on veut faire », reconnait Valery Ferber, qui en parallèle étudie la méthanisation pour d’autres équipements, eux aussi, gourmand en gasoil « Un sujet techniquement difficile et confronté à de fortes oppositions» réfléchit-il, sans lever le pied de l’accélérateur.

Source TA
Frédéric Thual

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