Turquie : pourquoi l’inflation s’envole de 61,14%

L’inflation en Turquie a atteint de nouveaux sommets en mars, poussée par la guerre en Ukraine à 61,14% sur un an, soit une hausse de 5,46 points en un mois, selon les statistiques officielles publiées lundi.

Bond de 99% du prix des transports en un an, de plus de 70% pour les produits alimentaires et de 69% pour les biens d’équipements. Connaissant une inflation continue depuis 2017, l’inflation turque, déjà très forte en raison de la dégringolade de la livre turque et de la flambée des prix de l’énergie, s’envole depuis le début de la guerre russe en Ukraine. En mars, elle a atteint 61,14% sur un an, en hausse de 5,46 points par rapport à février. La guerre en Ukraine fait craindre de nouvelles hausses de prix : la Turquie est, en effet, un grand importateur de blés russe et ukrainien mais aussi du gaz russe qui représente 44% de ses importations en 2021). La Russie et l’Ukraine sont également de gros pourvoyeurs de touristes en Turquie. Par exemple 4,7 millions de touristes russes sont allés l’an dernier en Turquie et ont représenté 19% des visiteurs étrangers.

Baisse des taux d’intérêt

La politique monétaire n’aide pas. Bien au contraire. Pour certains analystes, c’est la raison principale de cette inflation galopante. Ces derniers mois, la Banque centrale a, en effet, abaissé plusieurs fois son taux directeur. Pour Timothy Ash, analyste au cabinet BlueAsset Management à Londres et spécialiste reconnu de la Turquie, c’est même la « cause majeure de l’inflation ». Les taux d’intérêt ont été abaissés de 19% à 14% entre septembre et décembre et sont stables depuis janvier.

Cette « politique non orthodoxe » a stimulé l’inflation, explique-t-il, et « la guerre en Ukraine a juste aggravé les choses ». « N’oublions pas que l’objectif visé est une inflation à 5%, ce que la Banque centrale n’a pas su atteindre depuis 2011 », relève-t-il encore.

Or, prévient Jason Tuvey du cabinet londonien Capital economics, le taux d’inflation « risque de grimper encore un peu dans les mois qui viennent. « Lui aussi déplore qu’il n’y ait « toujours aucun signe de la banque centrale et, surtout, du président Erdogan indiquant qu’ils sont prêts à changer de cap et à relever les taux d’intérêt ».

Baisse de TVA

Pour tenter de lutter contre le pouvoir d’achat, le président Recep Tayyip Erdogan, a annoncé la semaine dernière une baisse de la TVA de 18 à 8% sur les produits d’hygiène et la restauration. Il avait déjà abaissé en février la TVA de 8 à 1% sur les produits alimentaires de première nécessité, sans parvenir toutefois à enrayer les hausses de prix qui ont effacé partiellement les augmentations de salaires accordées au 1er janvier.

Malgré cette hausse de l’inflation, la livre turque, qui a perdu 44% de sa valeur face au dollars en 2021, restait néanmoins stable lundi matin à 14,7 livres pour un dollar (16,2 pour un euro), le marché ayant déjà anticipé l’inflation en hausse.

La note abaissée

A moins de quinze mois de la prochaine élection présidentielle, prévue en juin 2023, le chef de l’Etat a demandé samedi de la « patience » aux Turcs: reconnaissant que la guerre en Ukraine affectait déjà les prix à la consommation, il a expliqué « mener une bataille contre ceux qui imposent des prix exorbitants » et prévenu qu’il sera « sans pitié » avec les spéculateurs.

« Nous devons surmonter les problèmes. Je demande à la nation d’être patiente et de nous faire confiance », a-t-il indiqué.

En attendant, l’agence de notation financière S&P Global Ratings a abaissé sa note sur la dette souveraine de la Turquie et la considère désormais entièrement comme un investissement très spéculatif.

La note sur la dette en monnaie locale a été abaissée d’un cran à « B+ » contre « BB- » auparavant, a indiqué l’agence dans la nuit de vendredi à samedi dernier, ce qui signifie qu’elle passe dans le classement S&P d’un investissement spéculatif à un investissement très spéculatif.

La note sur la dette turque en devises étrangères était, elle, déjà classée « B+ » et est maintenue à ce niveau.

« Les conséquences du conflit militaire Russie-Ukraine, y compris avec la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, vont affaiblir encore plus la balance des paiements déjà ténue de la Turquie et exacerber l’inflation », explique S&P.

La perspective associée aux notes reste négative, précise S&P, ce qui signifie qu’elles pourraient être abaissées.

En février, les loyers ont explosé de 85% à Istanbul et de 69% au niveau national, d’après les calculs de l’université de Bahçesehir, bien davantage que les salaires, qui ont augmenté de 30% à 50% en moyenne au 1er janvier.

Par la rédaction source TE

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