Le président d’Engie, Jean-Pierre Clamadieu, est très clair: si l’Union européenne, qui prépare en ce moment une 5e vague de sanctions contre la Russie, décrétait dans les prochains jours des sanctions sur la totalité des importations de gaz russe, ce serait une décision extrêmement risquée pour l’économie européenne avec, à la clé, de grands sacrifices, notamment l’hiver prochain, a-t-il mis en garde ce jeudi. Face à ce scénario, l’énergéticien détaille quelques-unes de ses mesures préventives.
Invité ce matin sur Radio Classique à traiter la question de la réindustrialisation de la France, eu égard à son dernier ouvrage « L’Europe, avenir de l’industrie française », le président de l’énergéticien Engie, Jean-Pierre Clamadieu, se voyait de but en blanc – c’était prévisible – questionné sur la situation ukrainienne : « Pensez-vous qu’un embargo sur le gaz russe puisse être décrété dans les heures les jours qui viennent ? »
La réponse de Jean-Pierre Clamadieu a pris la forme d’un prudent message d’avertissement concluant qu’un embargo sur les importations de gaz russe aurait un impact « massif » sur l’économie européenne et toucherait en particulier l’industrie.
« Aujourd’hui ce qu’il faut peser, c’est bien sûr toutes les raisons morales, politiques, qui pousseraient vers de nouvelles sanctions vis-à-vis de la Russie et puis l’impact massif qu’aurait sur l’économie européenne un arrêt des importations de gaz russe », a-t-il dit sur Radio Classique.
Des privations à prévoir pour les entreprises comme pour les particuliers
En cas d’arrêt immédiat des importations de gaz russe, l’Europe pourrait compenser la moitié. Malheureusement, l’autre moitié, manquant, impliquerait des privations tant pour les particuliers que pour les entreprises.
« Si les importations de gaz russe cessaient, nous serions probablement capables d’en remplacer à peu près la moitié mais le reste, à très court terme, devrait être réalisé, obtenu, compensé par une réduction des consommations et particulièrement dans les secteurs industriels », a indiqué le président du géant français de l’énergie.
Il prévoit que c’est surtout à l’hiver prochain que l’impact sera maximal pour l’économie européenne :
« L’impact sur l’économie européenne, pas dans les prochains mois mais lors de l’hiver prochain, serait un impact très significatif « , a insisté M. Clamadieu.
Même s’il concède être consulté comme d’autres industriels par le pouvoir exécutif pour l’élaboration de scénarios de crise, c’est uniquement sous l’angle du technicien et du connaisseur des marchés. Car pour lui, c’est vraiment une décision qui relève du politique, notamment parce que « ce qu’il importe, c’est de maintenir l’unité européenne autour de ce sujet », parce que « ensemble, nous pesons ». Une unité européenne essentielle mais actuellement fragile car les positions des pays ne sont pas identiques sur le sujet.
Priorité d’Engie : stocker du gaz pour préparer l’hiver prochain
Concernant l’approvisionnement, « les prix élevés en Europe attirent des cargaisons », et « au mois d’avril nous aurons des arrivées record de bateaux en Europe » transportant du gaz naturel liquéfié (GNL), a-t-il prédit.
Donc le gaz ne manquera pas, et ce, d’autant moins que « nous arrivons dans ‘l’été’ de la saison du gaz, c’est-à-dire que nous recevons plus de gaz que nous n’en consommons et donc le surplus nous le stockons ».
De fait, le remplissage des réserves de gaz sera cette année essentiel pour préparer un hiver qui s’annonce difficile.
5e vague de sanctions: le charbon concerné mais pas encore le gaz ni le pétrole
L’Union européenne est en ce moment en train d’élaborer une cinquième vague de sanctions qui, pour la première fois, comporte des mesures dans le secteur de l’énergie avec un embargo sur les achats de charbon à la Russie.
La gaz n’est toutefois à ce stade pas concerné. L’Allemagne en particulier, très dépendante de ses importations venues de Russie, s’y oppose fermement.
L’enjeu est donc d’aller vite afin de pouvoir reconstituer les stocks de gaz – remplis à environ 20% actuellement en France – pour l’hiver prochain.
« Je pense que d’ici probablement à la semaine prochaine, nous serons de manière durable dans une situation dans laquelle nous préparons le prochain hiver en faisant entrer du gaz dans nos stockages », en fonction de la météo, a précisé M. Clamadieu.
Paiement en roubles ? Pour l’instant la Russie accepte toujours les euros…
Moscou a par ailleurs menacé de couper l’approvisionnement en gaz aux pays « inamicaux » qui refuseraient de payer en roubles.
« Pour l’instant nous continuons à mettre des euros sur les comptes de Gazprombank et nous continuons à recevoir du gaz russe, donc c’est un sujet qui est plus technique que ce qu’on a pu penser après les déclarations de tel ou tel », a assuré M. Clamadieu.
Avec AFP et notre rédaction