Alors que la capitale de Madagascar est congestionnée par des embouteillages qui paralysent le trafic au quotidien, la construction de deux lignes de téléphérique pourrait résoudre une partie du problème. Considéré comme un projet phare de la présidence, quelles sont les retombées escomptées ?
Les habitants d’Antananarivo perdent au bas mot, une heure par jour dans les embouteillages. Un projet de construction de deux lignes téléphériques devrait réduire la durée des trajets de transports interurbains et permettre aux habitants de réaliser un trajet de 2 heures en seulement 30 minutes.
Tananarive est l’une des 5 villes africaines dotées du plus fort taux de croissance démographique. En 60 ans, la population de la capitale malgache a été multipliée par dix, passant de 300 000 habitants en 1960 à près de 3 600 000 habitants aujourd’hui. Parallèlement, la majeure partie des infrastructures de la capitale ont été réalisées il y a plus d’un demi-siècle. A la vétusté du système de transport s’ajoute un manque de capacité auquel les autorités cherchent à répondre.
« Avec le téléphérique, nous avons trouvé un mode de transport alternatif et vert qui permettra de désengorger le centre-ville en reliant les deux flancs de la colline de Manjakamiadana qui structurent la capitale. Nous réduisons les pertes économiques causées par les embouteillages qui s’élèvent à peu près à 2,5 millions d’euros par an », déclare Gérard Andriamanohisoa, Secrétaire d’Etat chargé des Nouvelles villes et de l’Habitat de Madagascar. Plus de 2 millions de personnes se déplacent quotidiennement entre le centre et la périphérie de la ville (dont les deux tiers à pied). « L’utilisation du TPC (transport par câble) permet d’ôter au moins 2 000 véhicules par jour du centre-ville, notamment pendant les heures de pointe. Cela apporte une réponse rapide, efficace, et complémentaire au projet de train urbain. Dans une vision à plus long terme, cela permettra d’anticiper l’amplification des problèmes de déplacement à Antananarivo avec son rythme de croissance urbaine qui amènera sa population à doubler en nombre d’ici 12 à 15 ans », précise-t-il.
Un projet de TPC confié aux entreprises françaises Poma et Colas
Financé à hauteur de 152 millions d’euros par la France, avec un prêt de 28 millions d’euros du Trésor français et un prêt commercial de 80 millions d’euros de BPIfrance, et réalisé par les entreprises Poma et Colas, le projet de téléphérique malagasy réjouit les autorités françaises. « Ce projet est une vitrine du savoir-faire français, un exemple éclatant de la capacité de nos entreprises à apporter des réponses concrètes aux enjeux de développement urbain. Poma, leader mondial dans le transport par câble et COLAS, solidement implantée à Madagascar, sauront mener à bien ce projet qui permettra à Tananarive de disposer d’un système de transport public innovant et respectueux de l’environnement », se félicite Franck Riester, ministre français chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité.
Pour les autorités locales, c’est la solution idoine pour désengorger la ville, alléger les charges liées au carburant, créer de nouveaux emplois (600 pour la gestion et la maintenance des transports), tout en permettant la création de nouveaux espaces commerciaux dans les gares.
Enjeux environnementaux et santé publique s’intègrent également à ce projet de TPC car Madagascar est l’une des villes les plus polluée du continent. Dans le tunnel d’Ambohidahy, qui représente l’un des points de circulation les plus importants de la ville, les embouteillages provoquent une pollution de 10 à 15 fois supérieure aux normes de l’Organisation mondiale de la Santé en période de fort trafic. Par ailleurs, la construction du téléphérique n’entraînera aucune expropriation, assurent les autorités locales, arguant que la construction de routes pour relier les sites connectés au transport par câble (TPC) en coûterait au moins 720 milliards d’ariary et entraînerait la démolition de 2 000 maisons. Dès lors, comment expliquer les vives critiques dont fait l’objet ce projet de construction ?
Premièrement, Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde, classé au 162e rang sur 189 de l’IDH des Nations unies (PNUD) et le prix du ticket sera compris entre 0.,5 et 1 dollar l’aller simple, alors que les Malagasy vivent avec moins de 2 dollars par jour et par personne. « Comme tout projet de développement à destination des populations, nous avons mené des études qui nous ont permis de déterminer le prix qui serait le plus juste. Le prix estimé est comparable à celui d’autres moyens de transports populaires. A titre de comparaison, le coût moyen des taxis-be peut aller jusqu’à 2 000 ariary, et celui d’un trajet en taxi-moto est de 5 000 ariary environ », explique le Secrétaire d’Etat chargé des Nouvelles villes et de l’Habitat.
Par ailleurs, ses détracteurs reprochent au TPC de dénaturer le patrimoine national, en profanant la colline sacrée. « L’aménagement du projet respectera l’arrêté des zones de protection de patrimoine architectural urbain et paysager », répondent les autorités. Enfin, à l’heure où Madagascar doit faire face à la récurrence d’épisodes de sécheresse dans le grand sud et se remet d’inondations dévastatrices (le cyclone Bastirai a fait plus d’une vingtaine de morts le week-end dernier), nombreux sont les Malagasy à opposer d’autres priorités. De son côté, l’Etat défend une vision de long terme, estimant que ce chantier qui devrait être finalisé avant les Jeux des îles de l’Océan Indien (JIOI) de 2023 et qui permettra de transporter entre 28 000 et 38 000 passagers par jour, s’inscrit dans une dynamique plus large et durable de refonte globale du système de transports urbains sur l’île rouge.
« Antananarivo est une ville ancrée dans le passé et chargée d’histoire, mais elle doit aussi, tout en retrouvant et en préservant les fastes du passé, tracer sa voie vers une capitale moderne », estime Naina Andriantsitohaina, le maire de la ville.