Après plusieurs sanctions occidentales, où en est l’économie russe?

Défaut de paiement « imminent », secteur automobile complètement sinistré, l’inflation galopante… après des semaines de sanctions successives et de plus en plus dures, l’économie russe commence à trembler sur ses bases.

1. Le défaut de paiement « imminent »

Parmi les premières sanctions, de nombreuses multinationales avaient décidé de fermer boutique en Russie, annonces faites à grand tapage mais jusqu’ici sans grands effets mesurables sur l’économie réelle. Et cette apparente insensibilité n’était pas due au maintien des salaires pendant le lockout car les groupes étrangers qui l’ont mis en place, comme McDonald pour ses 62.000 salariés au chômage temporaire, sont rarissimes.

Mais finalement après plusieurs semaines de salves de sanctions allant crescendo depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, des signes manifestes apparaissent.

Ce mercredi même, le ministère des Finances russe a ainsi annoncé avoir réglé en roubles une dette de près de 650 millions de dollars parce qu’une banque étrangère a refusé d’effectuer le paiement en dollars.

En effet, alors que le Trésor américain laissait jusqu’ici à la Russie la possibilité d’utiliser ses réserves de devises étrangères -et donc de dollars- stockées dans les banques américaines pour payer ses dettes extérieures libellées en dollars, il a durci cette semaine les sanctions, après les atrocités de Boutcha, en n’acceptant plus de dollars stockés par Moscou dans des banques américaines.

La Russie dispose maintenant comme il se doit d’un délai de grâce de 30 jours avant que le défaut de paiement ne soit formellement prononcé par les agences de notation. Ces dernières ont d’ailleurs déjà alerté sur un défaut de paiement « imminent » de la Russie.

Pendant plusieurs semaines, la Russie avait réussi à écarter le danger d’un défaut mais cette fois-ci c’est bien fini. La preuve que la situation est critique: le ministère des Finances russe a aujourd’hui même répliqué en mettant en garde les créanciers de « pays hostiles » (cf les clients du gaz russe par exemple): l’argent leur sera remboursé en roubles déposés sur un compte russe, et ils ne pourront convertir ces roubles qu’à condition que les fonds de la Russie à l’étranger ne soient débloqués.

Le porte-parole du Kremlin a lui aussi donné de la voix: « Il n’y a pas de fondement pour un réel défaut », a ainsi déclaré Dmitri Peskov, interrogé lors d’un point de presse mercredi, affirmant que « la Russie a toutes les ressources nécessaires pour honorer ses dettes ».

Certes, le maître du Kremlin avait lui-même averti de l’invicibilité de l’économie russe le 16 mars dernier (« Oui, ce n’est pas simple pour nous en ce moment », mais « il n’est pas possible d’organiser un blitzkrieg économique contre la Russie »), mais aujourd’hui rien n’est moins sûr.

En effet, selon Timothy Ash, analyste de Blue Bay Asset, contacté par l’AFP, « il est difficile pour la Russie d’éviter un défaut souverain »:

« Un défaut est un défaut. Les marchés le jugeront ainsi. Les investisseurs n’ont pas été payés. Ils s’en souviendront » (…) Un défaut pourrait ne pas faire s’effondrer immédiatement les marchés et l’économie russes, mais aura des conséquences dévastatrices à plus long terme », a précisé cet économiste, qui prévoit « un impact sur l’investissement, la croissance, le niveau de vie » entre autres.

Il concluait:

« Poutine appauvrit la Russie pour des années. »

2. L’automobile russe aux abois : les ventes plongent de -62,9%

Autre chiffre marquant, les ventes de voitures neuves se sont effondrées aujourd’hui de 62,9% en mars sur un an, qui témoigne d’un secteur mis aux abois, les pays du camp occidental ayant notamment banni les exportations vers la Russie de pièces détachées.

De nombreux producteurs ont annoncé en outre l’arrêt de la vente de composants ou de voitures à la Russie, à l’instar d’Audi, Honda, Jaguar ou Porsche. D’autres ont annoncé l’arrêt de la production, comme Renault, BMW, Ford, Hyundai, Mercedes, Volkswagen ou Volvo.

Les usines d’Avtovaz (groupe Renault-Nissan), premier producteur de voitures en Russie, employant des dizaines de milliers de personnes, sont quasiment à l’arrêt en raison d’une pénurie de composants importés.

« Ce fut un mois de panique chez les consommateurs », qui se sont rués vers des produits dont ils prévoient la disparition, estime-t-il. « Lorsque la situation se stabilisera, les processus objectifs à l’oeuvre deviendront plus clairs ».

Et selon Andreï Iakovlev, de la Haute école d’économie de Moscou, la véritable crise n’atteindra l’économie réelle que cet été ou cet automne: « en mai, un grand nombre d’entreprises sont susceptibles de s’arrêter » faute de composants importés, notamment dans l’industrie automobile qui emploie des centaines de milliers de personnes.

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ENCADRÉ

La Hongrie lâche l’UE se disant prête à payer le gaz russe en roubles

Premier pays à briser les rangs de l’unité européenne alors que les 26 États membres de l’UE cherchent par tous les moyens à faire pression sur la Russie pour stopper l’invasion de l’Ukraine, la Hongrie s’est dite prête ce mercredi à payer le gaz russe en roubles si besoin était.

« Nous ne voyons pas de problème dans le paiement en roubles. Si c’est ce que les Russes veulent, nous paierons en roubles », a déclaré le Premier ministre Viktor Orban lors d’une conférence de presse à Budapest.

Moscou a menacé de couper l’approvisionnement en gaz aux pays « inamicaux » qui refuseraient de payer en roubles, une mesure qui affecterait principalement l’UE, très dépendante.

La Commission européenne a proposé mardi aux Vingt-Sept de durcir les sanctions contre Moscou, en arrêtant leurs achats de charbon russe, qui représentent 45% des importations de l’UE, et en fermant les ports européens aux bateaux russes. Mais un embargo éventuel sur le pétrole russe (25% des achats européens de pétrole) et le gaz russe (45% des importations de gaz de l’UE) fait l’objet d’âpres discussions entre les Etats membres.

Si Budapest est la première à lâcher l’Union, Berlin et Vienne, extrêmement dépendantes de l’approvisionnement en gaz russe ont déjà exprimé publiquement leurs réticences.

(avec AFP)

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