Alors que se profile la Semaine européenne du développement durable, qui fait la part belle aux innovations transcontinentales, certaines initiatives ouest-africaines en matière d’économie circulaire se distinguent. C’est le cas de l’entreprise nigériane GIVO, dont le président fondateur, Victor Boyle-Komolafe, figure dans la promotion 2021 des Young Leaders, le programme-phare de la French-African Foundation.
Pour l’entrepreneur à impact Victor Boyle-Komolafe, tout est né de la prise de conscience de l’ampleur de la pollution au plastique. Pas moins de 15 milliards d’articles en polyéthylène téréphtalate (PET) sont consommés chaque année au Nigeria, dont moins de 10% sont recyclés, le reste étant mis en décharge ou dans les cours d’eau. Un immense gâchis et une source de pollution majeure qui ont poussé ce comptable de formation à lancer en mai 2019 à Lagos la start-up Garbage In, Value out (GIVO), une entreprise d’économie circulaire proposant des solutions de recyclage. Le principe ? Collecter, traiter et valoriser les déchets plastiques en produits destinés à être vendus selon un processus entièrement automatisé et numérisé, exclusivement alimenté par l’énergie renouvelable.
Tout commence par la collecte des matériaux auprès des générateurs de déchets (individus, familles, petites entreprises), informés en temps réel du volume de déchets générés. Ces derniers peuvent aussi être soumis à des centres de collecte et de traitement GIVO. Une fois collectés, les matériaux plastiques sont mesurés, pesés, lavés, redimensionnés et répertoriés grâce à la technologie GIVO avant d’être déchiquetés. Ce processus de transformation permet ainsi d’élaborer des produits recyclés – masques de protection, masques, jeux de boulier, décorations de Noël, vases etc. – qui seront vendus aux particuliers, gouvernements, entreprises et industries.
Lutte anti-Covid
À 31 ans, Victor Boyle-Komolafe peut se targuer d’avoir déjà permis le traitement de plus de 4 000 kg de déchets plastiques, fabriqué plus de 10 000 masques de protection et contribué à créer de l’emploi dans le secteur du recyclage en Afrique. Un cercle vertueux qui inclut le don de 10% de la production aux ONG, aux populations les plus vulnérables et aux travailleurs essentiels du pays.
Lorsque, au début de la pandémie de Covid-19, ces derniers subissaient une pénurie d’équipements de protection individuelle (EPI), GIVO a lancé la production du seul masque fabriqué de manière durable sur le sol nigérian. « Notre équipe est parvenue à atténuer les effets de cette pénurie en recyclant les déchets plastiques pour produire des masques et des écrans faciaux, conformément aux normes internationales. Cela a permis de fournir une
protection aux travailleurs essentiels, au personnel médical et aux particuliers au Nigeria, contribuant ainsi à aplanir la courbe des contaminations », souligne le trentenaire.
Partenariats franco-africains
Africa Prize en novembre 2019, Orange Corners en décembre 2019, COVID Africa Rapid Entrepreneur Project en mai 2020, éligibilité en août 2020 au fonds d’amorçage de 250 M nairas affectés par le gouvernement nigérian pour la recherche et l’innovation… Depuis sa création, la start-up cumule les distinctions. Au moins deux d’entre elles émanent de la France : le prix Digital Innovation Challenge 2020 de l’Agence Française de Développement (AFD), déterminant dans le succès du GIVO, qui a aussi bénéficié du second programme d’accélération d’OceanHub Africa en mai dernier. L’entreprise figure parmi les 6 lauréats sur 130 candidats, tous liés aux océans et à la vie sous-marine, et ayant vocation, entre autres, à atténuer la pollution des océans. « La France, partenaire commercial important pour l’Afrique, est le deuxième exportateur de biens vers le continent. Depuis 2000, les investissements directs étrangers français en Afrique ont été multipliés par dix et la France y est l’un des principaux créateurs d’emploi, rappelle Victor Boyle-Komolafe. Mon équipe et moi-même souhaitons tirer parti des partenariats croissants entre les entreprises françaises et africaines pour augmenter la production locale de biens en Afrique à partir de matières recyclables traitées et l’exportation de ces produits vers la France. Cela a le potentiel d’augmenter les revenus économiques, de créer des opportunités d’emploi et de faciliter les accords commerciaux entre les deux pays ».
Par la rédaction