Les sanctions infligées à la Russie par les Etats-Unis et l’Union européenne dans la crise ukrainienne ont engendré plusieurs effets systémiques sur l’échiquier mondial des échanges commerciaux, parmi lesquels, l’augmentation des prix de l’énergie dans les pays dépendants de la Russie.
A titre d’exemple, l’Allemagne et l’Italie dépendant de leur consommation locale à plus 50% du gaz russe, avec la France qui y puise plus de 20%, auront pour corolaire, une baisse significative du pouvoir d’achat des ménages causé par les charges fixes (transports des matières premières, coût de transformations.,..) de leur l’outil de production énergétique.
Le président Emmanuel Macron déclarait le mercredi 2 mars 2022 lors de l’annonce d’un plan résilience :« Notre agriculture, notre industrie, nombre de secteurs économiques souffrent et vont souffrir, soit parce qu’ils dépendent des importations de matières premières, soit parce qu’ils exportent vers ces pays ».
Du côté de l’Allemagne, l’institut économique berlinois DIW dans une note fin janvier, avertissait déjà en ces termes : « Si le conflit en Ukraine s’aggrave et que la Russie arrête effectivement les livraisons à l’Allemagne, nous serions confrontés à une nouvelle crise du gaz. En conséquence, les prix du gaz continueraient d’augmenter – et avec eux les coûts pour les consommateurs et l’économie dans son ensemble ».
Face à cette double menace à la fois inflationniste couplée à la baisse du pouvoir d’achat des ménages qui risque de susciter les souvenirs des mouvements populaires de type « Gilets Jaunes » en France, l’Europe s’active et joue le contrepied économique, en ayant un regard tourné vers d’autres pays producteurs d’énergies pour se ravitailler alternativement.
Un effet d’éviction d’espoir des pays africains
Par ailleurs, cette demande croissante et subite en or noir sur le marché mondial des commodities a engendré une élasticité-prix positive du baril de pétrole, dépassant nettement les records de 2014 à hauteur de 130 dollars. C’est l’euphorie constatée au niveau des pays africains producteurs de pétrole, qui voient s’améliorer les recettes pétrolières couvrant en moyenne plus de 60% de leur richesse nationale. Cependant, cette embellie est illusoire du fait du poids du volume des importations en biens et services. Prenant le cas du franc CFA rattaché à l’euro. Cette hausse d’exportation aura pour incidence une légère augmentation des réserves de devises au sein des comptes d’opérations domiciliés au trésor français répondant à l’exigence des critères de convergences multilatérales, mais qui en réalité ne servirait qu’à couvrir l’augmentation du prix des importations causée par cette crise au niveau de la dégradation des termes de l’échange (inflation importée). De fait, le bien ou le service acheté moins cher hier, se verra augmenter par effet systémique, toute chose étant égale par ailleurs.
Eviter l’effet cliquet ou Duesenberry de gouvernance, une menace à la diversification économique des pays dépendants du pétrole
La surliquidité annoncée par les marchés financiers au profit des pays africains exportateurs du pétrole du fait de la crise ukrainienne, devrait permettre aux politiques publiques, cette fois-ci d’éviter l’effet « mémoire » des dépenses publiques excessives liées au fonctionnement public ayant conduits certains aux déséquilibres de leur balance de paiement et d’entrer in fine en programme avec le Fonds Monétaire International. Par ailleurs, la volonté politique de financer les infrastructures pour une économie intégrée reste à renforcer. C’est le cas par exemple, du Projet intégrateur du pont-route-rail, financé par la Banque africaine de développement, s’inscrivant dans la perspective d’un préalable à toute existence future du marché continental, pour faciliter la libre circulation des biens et services intra-africains.
La Zlecaf, une lueur d’espoir de souveraineté économique pour le continent
La réorientation budgétaire des recettes pétrolières au profit de la résurgence de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), devient plus que jamais un enjeu de taille de souveraineté économique du continent. Cela peut être rendu possible grâce à la diversification des secteurs économiques des pays membres à travers des TPE/PME qui constituent, pour la plupart, le maillon fort des économies africaines à forte pondération informelle, mais pourvoyeurs de richesses et d’emplois.
Ainsi, avec un marché potentiel de plus de 1,2 milliard de consommateurs et un PIB de 3 000 milliards de dollars, investir dans la diversification des secteurs économiques à travers des unités économiques, c’est-à-dire les TPE/PME, c’est mettre en lumière le vivier « féminin » et « jeunes » du continent, qui pour les premières assurent plus 70% de l’économie informelle et pour les autres la potentielle significative contribution d’une économie numérique au PIB continental.
(*) Economiste, directeur de cabinet du Ministère des PME, de l’artisanat et du secteur informel en République du Congo.