La Chine voit d’un mauvais œil les discussions entamées par les États-Unis et Taïwan afin d’approfondir leurs relations économiques et commerciales. Pékin a d’ailleurs fait savoir que le gouvernement s’y oppose « fermement », tandis que, du côté de Taipei, cette initiative est vue comme une « percée historique ». De quoi tendre un peu plus les relations entre les États-Unis et la Chine.
Au lendemain de l’annonce de discussions commerciales bilatérales entamées entre les États-Unis et Taïwan, la Chine a réagi ce jeudi 2 juin. Pékin, qui considère l’île comme partie intégrante de son territoire, a exprimé sa « ferme opposition » à ces échanges.
« La Chine s’oppose à toute forme d’échange officiel entre un quelconque pays et la région chinoise de Taïwan, y compris à toute négociation et signature d’un accord économique et commercial à connotation souveraine et à caractère officiel », a indiqué Gao Feng, le porte-parole du ministère du Commerce.
Pour rappel, la représentante adjointe au commerce des États-Unis, Sarah Bianchi, et le ministre taïwanais John Deng se sont rencontrés « virtuellement » hier. Ils ont lancé « l’Initiative États-Unis-Taïwan sur le commerce du XXIe siècle, avec l’objectif de développer des moyens concrets d’approfondir » les relations économiques et commerciales, selon un communiqué de l’ambassadrice américaine au Commerce (USTR).
Une démarche dont les acteurs savaient qu’elle pourrait susciter une vive réaction du gouvernement chinois. Depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, Taïwan est dirigé par un régime rival de celui, communiste, basé à Pékin et qui gouverne la Chine continentale. Pékin entend « réunifier » le territoire insulaire de 24 millions d’habitants à « la mère patrie » et la Chine n’exclut pas un recours à la force armée pour y parvenir.
L’objectif de cette initiative est de faciliter les échanges, d’adopter « des pratiques saines et transparentes » ou encore de coopérer en faveur de l’environnement ou de l’action climatique, a détaillé USTR. Les deux pays ont aussi « l’intention d’explorer des dispositions visant à faciliter le commerce agricole » ou encore de lutter contre la corruption.
Pour John Deng, les discussions entre les États-Unis et Taïwan vont « ouvrir davantage de possibilités de coopération économique ». Et d’ajouter lors d’une conférence de presse à Taipei ce jeudi : « Nous pouvons dire qu’il s’agit d’une percée historique ».
La première réunion doit se tenir « plus tard ce mois-ci à Washington sous les auspices de Tecro », le Bureau de représentation économique et culturelle de Taipei aux États-Unis et de l’Institut américain à Taïwan (AIT). Tecro représente les intérêts de Taïwan aux États-Unis en l’absence de relations diplomatiques formelles, fonctionnant comme une ambassade de facto.
« J’espère que cette initiative aboutira à un accord-cadre contraignant », a déclaré une responsable de l’administration américaine lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes.
Les États-Unis et Taïwan sont liés depuis 1994 par « un cadre » pour le commerce et les investissements. Taipei a également rejoint l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2002, ce qui a contribué à la croissance du commerce bilatéral. La prochaine étape de la relation économique serait ainsi un accord commercial formel qui, pour l’heure, se fait attendre dans un contexte politique complexe.
L’Asie-Pacifique dans le giron américain
Cette initiative est aussi lancée peu après l’annonce d’un nouveau partenariat économique en Asie-Pacifique, divulgué le 23 mai par le président Joe Biden lors d’une tournée en Asie. Le Cadre économique pour l’Indo-Pacifique (Indo-Pacific Economic Framework, IPEF) n’est pas un accord de libre-échange, mais il est censé faire contre-poids à la Chine en facilitant l’intégration entre ses pays signataires via l’adoption de normes communes dans le secteur numérique, les chaînes d’approvisionnement, les énergies vertes et la lutte contre la corruption.
Ce que n’a pas spécialement apprécié Pékin. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi avait ainsi déclaré que Washington cherche « à former de petites cliques au nom de la liberté et de l’ouverture » en espérant « contenir la Chine », considérant le projet américain « voué » à l’échec.
Taïwan ne fait pas encore partie de l’IPEF mais une haute responsable américaine a indiqué que ce n’était pas exclu. « Nous n’avons pas inclus Taïwan dans le lancement initial. Cependant, à l’avenir, nous avons l’intention d’adopter une approche flexible concernant la participation à l’IPEF », a-t-elle déclaré aux journalistes. Elle a rappelé la « politique de longue date d’une seule Chine » appliquée par Washington, mais a déclaré que l’administration Biden entretenait également une « relation non officielle solide avec Taïwan qu’elle s’engage à approfondir ».
Avec la rédaction