Bangui a annoncé que cette cryptomonnaie serait désormais une devise officielle du pays, au côté du franc CFA. Un choix aussi politique qu’économique.
De la souveraineté monétaire aux lèvres de la prospérité, il y a loin, surtout lorsque votre monnaie – le franc CFA – est partagée avec des pays voisins et que votre situation économique est moins florissante que la leur. Ajoutez à cela une polémique panafricaniste sur l’arrimage de ladite monnaie à la devise d’un ancien colon, et voilà que se profile la tentation d’une diversification « magique » des devises.
Riche en diamants, en or et en uranium, la Centrafrique squatte volontiers les queues de classement, notamment ceux du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Elle partage le franc CFA avec cinq autres pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), lesquels peuvent tous revendiquer de plus enviables performances économiques.
Touadéra, « satisfait et enthousiaste »
Elle a donc décidé de ne plus mettre tous ses œufs fiduciaires dans le même panier monétaire. Les tergiversations financières zimbabwéennes ayant conduit à ce que la majorité des transactions locales s’effectue en dollars américains, Bangui vient de miser sur un système cryptographique qui ne nécessite même pas de banque centrale : ce 27 avril, le pays a annoncé que le bitcoin devenait monnaie officielle, au côté du franc CFA. L’Assemblée nationale a voté « à l’unanimité » la loi permettant l’usage des cryptomonnaies et c’est un Faustin-Archange Touadéra « satisfait » et « enthousiaste » qui a promulgué la loi dans la foulée.
La Centrafrique peut désormais s’enorgueillir d’être la première nation africaine à emboîter le pas au Salvador, qui fut le premier pays au monde à adopter le bitcoin comme monnaie de référence. « Visionnaire », assure la présidence centrafricaine. Audacieux ? Sans doute. Risqué ? Peut-être. Depuis l’apparition de la cryptomonnaie, le FMI estime qu’en faire une monnaie officielle est dangereux pour la « stabilité financière, l’intégrité financière et la protection des consommateurs ». Mais le FMI n’est guère en odeur de sainteté dans les débats africains.
Pied de nez à des devises néocolonialistes ou mirage économique ? Sur un continent où de nombreux habitants ne possèdent pas de compte en banque, la tentation de la monnaie digitale et de la blockchain est forte.
Source Challenges