Le resserrement de la politique monétaire de la Fed – marqué par une hausse des taux directeurs – renforce la valeur du dollar, dont le cours par rapport aux autres devises internationales progresse. Des décisions qui visent à lutter contre l’inflation record aux Etats-Unis et qui pourraient bien impacter négativement l’euro.
La valeur du dollar approche de son plus haut depuis presque 20 ans. Le Dollar Index, qui compare la devise américaine à un panier d’autres devises, grimpait de 0,72% à 103,70 points, proche de son sommet de décembre 2002, atteint jeudi à 103,93 points.
Le billet vert était porté par la tension des taux obligataires, avec le rendement sur les bons du Trésor américain à 10 ans atteignant le seuil de 3% pour la première fois depuis 2018 à la mi-séance à New York. « Les rendements à 10 ans à 3%, il fallait s’y attendre depuis longtemps », prévenait Mazen Issa de TD Securities.
La Fed remonte ses taux, une première depuis 2018
Le « roi dollar » est dopé depuis plusieurs semaines par le resserrement de la politique monétaire de la Fed, la banque centrale américaine. Son président, Jerome Powell, ne manque pas une occasion pour durcir le ton. Une hausse a déjà eu lieu en mars, la première depuis 2018. Six hausses sont prévues cette année. L’autre face de ce resserrement est l’arrêt du programme de rachats de bons du Trésor américain qui débutera dès le mois de mai.
La Fed doit annoncer ce mardi et mercredi de nouvelles mesures, ce qui pourrait encore faire grimper la valeur du dollar face aux autres devises. 99% des investisseurs prévoient une hausse des taux directeurs de 50 points de base pour les fixer à entre 0,75% et 1%, le premier tour de vis de cette ampleur depuis plus de 20 ans. Les investisseurs anticipent que ces taux au jour le jour, qui conditionnent tous les autres crédits, monteront à 3% d’ici 2023 dans un effort pour dompter l’inflation. Ces conditions soutenaient le dollar, qui devient plus rémunérateur : « on dit que le dollar est roi, ce n’est pas pour rien », rappelait Mazen Issa.
Fin de l’argent « gratuit »
« Nous étions habitués à un monde aux taux d’intérêt très bas mais nous sommes face à un nouveau paradigme de l’inflation et il faut nous réaclimater à ce à quoi ressemble un monde avec des taux plus élevés », soulignait l’analyste de TD Securities. Il pointait du doigt aussi la forte volatilité du marché des actions « qui vit aussi un cycle de transition avec la perspective de taux plus élevés ». « Fini l’argent gratuit! », résumait-il.
Le resserrement de la politique monétaire intervient alors que l’inflation bat des records dans le pays de l’Oncle Sam. Les prix à la consommation aux Etats-Unis ont poursuivi leur ascension en mars, progressant de 6,6% sur un an et de 0,9% sur un mois, selon l’indice d’inflation PCE, publié vendredi dernier par le département du Commerce, et qui sert de référence à la Fed. L’autre indicateur d’inflation, l’indice CPI, publié par le département du Travail et utilisé notamment pour le calcul des retraites, a montré une progression des prix de 8,5% en mars sur un an, soit le rythme le plus rapide depuis décembre 1981.
Les augmentations concernent tous les secteurs, les biens comme les services. « Les prix de l’énergie ont augmenté de 33,9% tandis que les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 9,2% » sur un an, a précisé le ministère dans un communiqué. Hors alimentation et énergie, l’indice des prix PCE est resté élevé en mars puisqu’il a augmenté de 5,2% par rapport à il y a un an.
L’euro en souffrance
Reste que la stratégie monétaire de la Fed, si elle renforce le dollar, impacte négativement l’euro. « Avec des taux d’intérêts plus élevés venant des Etats-Unis et des perspectives de croissance mondiale en décélération avec la guerre en Ukraine, ce n’est pas une perspective constructive pour l’euro », ajoutait le spécialiste de TD Securities.
L’euro fléchissait par rapport au billet vert (-0,36% à 1,0507 dollar pour un euro) mais tentait de s’accrocher au seuil de 1,05 dollar, sous lequel la devise européenne était brièvement descendue jeudi, pour la première fois depuis début 2017.
Face à la devise américaine, la livre restait proche de ses plus bas depuis l’été 2020, lâchant 0,69% à 1,2487 dollar.
La Banque d’Angleterre (BoE) se réunit pour sa part jeudi et les analystes s’attendent à ce qu’elle réhausse encore une fois les taux de 25 points de base. Mais dans le même temps, le gouverneur Andrew Bailey a signalé récemment observer des signes de ralentissement de la croissance et de la demande à cause de la hausse des prix.
Source Ecofin