Maroc : immersion dans l’école 1337 pour les codeurs de demain

Située à une heure de Marrakech, l’école 1337 génère un intérêt croissant des Marocains férus de technologies. Enseignement gratuit et écosystème tech global attirent les talents venus de tout le royaume chérifien, dans cette déclinaison nationale de l’école 42, rebaptisée 1337.

C’est dans un espace de travail aux couleurs vives, dont les murs sont recouverts de références geek (de l’inquiétant Gollum du Seigneur des anneaux, à Nikola Tesla, en passant par Maître Yoda de la saga Star Wars), que les étudiants de l’école de codage de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) s’attèlent à des projets de développement 2.0. « La formation est entièrement gratuite, ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Tous les étudiants sont boursiers. Ici, l’important c’est  » d’apprendre à apprendre « , car la technologie évolue très vite et d’ici la fin de leur formation qui dure entre deux ans et demi et quatre ans, l’écosystème aura déjà évolué », explique Yassir Boux, directeur technique et pédagogique de 1337.

Fruit d’un partenariat entre le géant phosphatier marocain OCP Group et l’Ecole 42 Paris, l’école de codage en peer-learning forme la nouvelle génération de codeurs marocains, suivant le modèle inventé en 2013 par Xavier Niel et Nicolas Sadirac.

Contrairement à son modèle de référence, l’établissement a choisi le nom de « 13 37 », renvoyant au leet speak, un langage créé par des hackers américains à la fin des années 1980, qui remplace les lettres par des chiffres pour limiter sa compréhension aux initiés et pour contourner la censure (L=1, E=3 et T=7). « Logement et restauration : tout est gratuit ! Nous ne voulons écarter aucun talent. Les élèves reçoivent aussi une indemnité mensuelle de 1.000 dirhams », précise Yassir Boux. Tous les frais sont pris en charge par l’UM6P et le groupe OCP.

Situé au cœur du Campus de l’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguérir, 1337 est la seconde école de peer-learning du pays, ouverte en 2019, soit un an après le campus de Khourigba et deux ans avec celui de Tétouan en partenariat avec Tanger Med. Les trois campus accueillent aujourd’hui, près de 2.000 étudiants et leur nombre devrait atteindre 3.000 étudiants avec l’ouverture d’un nouveau campus à Rabat, en 2024.

Pas de crise de l’emploi pour les Geeks de l’UM6P !

« Je n’avais eu qu’une seule expérience de coding dans un bootcamp de quelques semaines quand j’avais 12 ans. Depuis, je n’avais pas vu une seule ligne de code », explique Anass Zakariya, 23 ans, venu de Casablanca, qui travaille actuellement sur une variante du jeu vidéo Wolfenstein en 3D.

Dans l’école des métiers du futur, il n’y a pas de pré-requis de diplôme, ni de connaissances préalables en informatique demandés aux candidats.

Après des tests en ligne et le checking pour mesurer leur autonomie, les étudiants sélectionnés passent l’inévitable épreuve de la piscine (un test de quatre semaines sans discontinuité durant lesquelles ils apprennent à coder). « Les premiers arrivés sont les premiers servis, car nous recevons plusieurs milliers de candidatures en quelques minutes », précise le directeur technique de 1337.

Loin des cours traditionnels, théoriques et abscons, le 1337 permet l’apprentissage par projets pour les jeunes recrues âgées de 18 à 30 ans, qui n’ont aucune difficulté à se positionner sur le marché du travail, les offres d’emploi étant plus nombreuses que les étudiants formés chaque année. Au sortir de cette formation, ils reçoivent un salaire minimum compris entre 11.000 et 12.000 dirhams (entre 1.100 euros et 1.200 euros), soit pratiquement l’équivalent d’un salaire d’ingénieur au Maroc.

Entre intelligence collective et gamification, mais aussi décloisonnement temporel (qui permet à chaque étudiant d’avancer à son rythme), le 1337 reflète les nouveaux modes d’apprentissage 2.0. A l’image des espaces imaginés dans la Silicon Valley californienne, l’espace est chaleureux et ludique, et tout comme à Palo Alto, c’est en anglais que les étudiants travaillent leurs projets, la langue de Shakespeare s’étant rapidement répandue dans les environnements tech des pays du Maghreb, parmi les plus jeunes générations.

Une école au cœur d’un écosystème tech global

« J’ai trouvé à l’UM6P tout un écosystème qui va me permettre de développer mon projet. Sur le site de l’UM6P de Benguérir, on trouve un incubateur, un hub (Stargate, NDLR), un espace de co-working et de potentiels partenaires pour développer ses projets. Il est également possible de trouver un financement », explique le jeune Anass Zakariya qui est à mi-parcours de sa formation.

Le campus de l’UM6P abrite plusieurs entités orientées vers les nouvelles technologies comme la School of Computer Science, une école d’ingénieur qui propose un cursus orienté vers l’innovation et la recherche, le Green Tech Institute (GTI) créé en partenariat avec le Green Energy Park (GEP) qui vise à former les futurs cadres techniques dans différentes spécialités industrielles couplant les énergies renouvelables et la digitalisation industrielle, mais aussi l’Institute of Science, Technology and Innovation qui regroupe plusieurs départements d’enseignement et de recherche complémentaires, l’ESAFE, une école d’agriculture centrée sur la recherche et la digitalisation, et la School of Architecture, Planning & Design, une école d’innovation en architecture, planification urbaine et territoriale.

« Nous souhaitons que l’UM6P s’impose comme la cité de l’innovation africaine, qui formera non seulement les talents nationaux, mais aussi panafricains », explique Hicham El Habti, président de l’UM6P. A ce jour, le royaume chérifien accueille près de 20.000 étudiants africains. Le site de Benguérir abrite d’ailleurs le centre African Studies et l’African Academy of Industrial Training qui ambitionne de former les cadres africains de demain.

Si l’UM6P cherche à attirer les talents du continent, elle entend également renforcer la présence de jeunes femmes dans les formations numériques. A ce jour, elles ne représentent que 14 % des effectifs de l’école 1337. C’est le cas de Rim, 21 ans, qui fait figure d’exception dans la salle de code de l’école, dissimulée derrière son Mac. La jeune femme tient son intérêt de son père, qui était lui-même développeur informatique. « J’ai décidé d’intégrer l’école 1337, car j’étais peu adaptée au système académique », explique la jeune femme qui aimerait rejoindre une grande entreprise ou créer sa propre startup, une fois sa formation terminée.

« C’est vrai que les femmes sont encore minoritaires, mais elles n’étaient que 7 % à l’ouverture de l’école. Leur nombre a doublé en cinq ans. Nous sommes donc sur une phase ascendante » se réjouit néanmoins le directeur pédagogique de l’école 1337.

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