Assurer une croissance pérenne et qui profite à tous est le pari sur lequel le royaume mise, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI. Les élus qui seront désignés par les urnes ce 8 septembre devront placer l’humain au centre de leurs stratégies.
La voie du libéralisme empruntée par le Maroc au lendemain de l’indépendance lui a permis de réaliser des avancées économiques considérables jusqu’à arriver à multiplier sa richesse nationale par 3 (triplement du PIB en l’espace des deux dernières décennies). Cependant, les performances économiques réalisées n’ont pas profité à toute la population et des disparités persistent. L’indice de développement humain (IDH) n’a avancé que de 32 % sur les vingt dernières années. Au niveau du classement, le royaume fait du surplace depuis des années. Le chômage persistant en raison d’une faible création d’emplois contribue à creuser les écarts et disparités. Contrebalancer cette situation était donc l’objectif essentiel de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH).
Lancée en 2005 par le Roi Mohammed VI, l’initiative structurante œuvre à lutter contre la précarité et à favoriser l’insertion économique des jeunes. Parallèlement, le renforcement du filet de sécurité sociale a été au centre des préoccupations du souverain. Plusieurs chantiers ont été lancés pour le renforcer : régimes de couverture médicale de base l’assurance-maladie obligatoire (AMO) et Régime d’assistance médicale (RAMED) en 2002 (généralisé en 2011), appui direct aux veuves en 2014 et indemnité pour perte d’emploi en 2015.
Les disparités étant également régionales. Promouvoir un développement équilibré pour renforcer la contribution des régions dans la création des richesses constitue un enjeu de taille pour le royaume (3 régions sur 12 génèrent 60 % du PIB). Pour y remédier, un projet de régionalisation avancée a été initié à partir du milieu des années 2010, actant une volonté de déconcentration et de décentralisation de la décision politique et économique. Désenclaver le monde rural a été aussi au centre des préoccupations avec le déploiement du Programme d’électrification rurale global et le Programme national des routes rurales I et II. Le soutien à la scolarisation faisant également partie des priorités, un programme d’aide directe pour lutter contre l’abandon scolaire a été mis en place en 2008 (Tayssir) en plus d’une batterie de dispositifs pour l’hébergement et le transport.
Des efforts fragilisés
La mise en œuvre de ces initiatives a eu un impact positif sur le taux de pauvreté, la généralisation de la scolarisation et le désenclavement du monde rural. Néanmoins, l’avènement de la crise pandémique a fragilisé les équilibres socio-économiques. Une enquête du HCP – livrée en 2020 – sur l’impact psychologique et socio-économique de la crise sanitaire sur les ménages révélé que « 34% des ménages ont été dépourvus de sources de revenus suite à l’arrêt de leur activité. Ceci s’est traduit par la baisse de la consommation des ménages et donc de l’augmentation de la pauvreté et de la vulnérabilité ».
Pour atténuer les effets directs de la crise, le gouvernement a rapidement mis en place un dispositif d’appui aux ménages impactés. Les salariés d’entreprises en difficulté ont pu profiter d’une aide directe de 2 000 DH (190 euros) versés directement par la Caisse nationale de sécurité sociale. Un dispositif de soutien provisoire des ménages opérant dans le secteur informel et impactés par le confinement a été également mis en place. Des aides de 800 DH, 1 000 DH et 1 200 DH ont été accordées en fonction de la taille des ménages.
En juillet 2020, le souverain annonce le projet de généralisation de la protection sociale. Celui-ci devrait permettre d’intégrer 22 millions de Marocains à l’assurance maladie obligatoire dans un premier temps, suivi par la généralisation des allocations familiales, de l’indemnité pour perte d’emploi ainsi que l’élargissement de la base d’adhérents au système de retraites. Un chantier qui devrait coûter 51 milliards de dirhams par an d’ici à 2025 et qui passerait indubitablement par la refonte des programmes sociaux existants à travers l’opérationnalisation du registre social unifié (RSU).
Changement de paradigme
L’appui direct des populations vulnérables demeure nécessaire et primordial, mais en parallèle, la persistance d’un fort taux de chômage des jeunes diplômés et d’une faible participation des femmes à l’emploi risque de retarder davantage les retombées escomptées des programmes sociaux. L’affranchissement du faible développement humain passerait donc par un changement d’approche comme le préconise le nouveau modèle de développement. Les efforts devraient être orientés afin que « tous les citoyens disposent des capacités et jouissent du bien-être leur permettant de prendre en main leur projet de vie et de contribuer à la création de valeur ». Une éducation de qualité pour tous et un enseignement supérieur public et privé axés sur la performance sont les principaux gages d’un renforcement du capital humain. L’accès aux services de santé et l’amélioration du lien social et de l’inclusion sont en revanche les jalons d’une réduction des inégalités et d’une résorption de la polarisation.
Le gouvernement qui émanera des législatives du 8 septembre 2021 a du pain sur la planche et devra réussir là où ses prédécesseurs ont raté l’occasion de cocher les bonnes cases dans la liste des priorités en matière de développement humain et social.