Moscou à l’approche de Bamako. Et Paris dans tout ça?

En annonçant le 10 juin le retrait de la force Barkhane en tant qu’Opération extérieure (Opex) Emmanuel Macron assume t’il la possibilité d’une montée en puissance de la Russie au Mali, pays de sa zone d’influence ? Lancée en août 2014 en replacement des opérations Serval au Mali et Epervier au Tchad, cette force de 5100 hommes engagés dans la lutte antiterroriste auprès de cinq Etats (Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad et Mauritanie) se replie sur un aveu d’échec.

Non seulement les violences intracommunautaires et l’expansion djihadiste n’ont pas été contenues en Afrique de l’Ouest à l’image du récent massacre de Solhan au nord-est du Burkina Faso, mais les attentats s’étende désormais aux pays du Golfe de Guinée. Fin mars 2021 l’armée ivoirienne a été ciblée par deux attaques ayant fait six morts à Kafolo et Téhini à la frontière burkinabè. Le 11 juin dernier, un poste de sécurité ivoirien a été attaqué dans la même localité de Kafolo, entraînant la mort d’une dizaine de personnes. Ces événements font suite à un précédent assaut, en juin 2020, dans la même zone.

D’ici 2023, Barkhane doit théoriquement être remplacée par une force « multinationale » dont les contours encore flous doivent être annoncés fin juin. Depuis la décision du chef de l’Etat français Paris a profité des différents récents sommets internationaux (G7, Otan…) pour engager des pourparlers afin de donner corps à ce dispositif de substitution. L’idée est de limiter au maximum les interventions terrestres et de concentrer tous les efforts sur les forces spéciales européennes en axant sur le renseignement mais aussi la formation, véritable serpent de mer africain.

Cette future force, qui devrait être localisée à N’Djaména, au Tchad, ne va pas sans soulever des questions. On imagine difficilement qu’il puisse réussir à mobiliser les partenaires européens là où Barkhane a échoué. Alors qu’elle devait réunir plusieurs forces spéciales l’actuelle task-force européenne Takuba peine déjà à remplir sa mission. Après avoir donné leur accord pour l’intégrer des pays comme la Belgique et la Finlande ont finalement renoncé. Le Portugal se borne à une participation à caractère humanitaire.

En outre, avec seulement 2500 hommes contre 5100 actuellement ce réaménagement devrait dangereusement impacter les Etats concernés. La nature ayant horreur du vide, cette perspective pourrait naturellement les pousser à se tourner vers de nouveaux alliés. La Russie est sur toutes les lèvres. Depuis 2016, ce pays est passé à l’offensive en Afrique après une mise à distance, au début des années 1990, au lendemain de la chute du mur de Berlin et de la fin de la Guerre Froide. Ces dernières années, il a multiplié les accords de coopération militaire et de coopération en matière de nucléaire civil avec plusieurs pays (République démocratique du Congo, Burundi, Rwanda…). Dans son fief soudanais, il construit actuellement une base navale.

Alors qu’elle se déploie en Libye ou encore au Mozambique, la Russie a fait de la Centrafrique son bastion au point de contraindre la France à quitter ce pays jadis emblématique de la Françafrique et de geler sa coopération. Son porte-drapeau sur le continent, la société paramilitaire Wagner (ChVK) fondée par Evgueni Prigojine, très proche de Vladimir Poutine, y est présente à travers plusieurs centaines de mercenaires chargés de contenir les multiples groupes armés et d’assurer parallèlement la sécurité des institutions à Bangui mais aussi du président Faustin-Archange Touadéra. Lors de la présidentielle de décembre 2020, ils ont été particulièrement actifs pour empêcher, aux côtés des soldats rwandais et des Forces armées centrafricaines (Faca), l’incursion de rebelles dans la capitale. Un rapprochement avec le Mali est d’autant plus attendu que la Russie fut un partenaire hautement stratégique de ce pays dans les années postindépendance. La coopération bilatérale était particulièrement dense durant la présidence de Moussa Traoré (1969-1991) dont le régime était ouvertement marxiste-lénniniste. De cette période date la formation, à Moscou,  de nombreuses personnalités militaires et politiques maliennes. C’est le cas de Bah N’Daw, ex-président de la transition destitué le 24 mai dernier. Ce natif de Segou a été formé comme pilote d’hélicoptère. Patron du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) qui se réclame de l’héritage de Moussa Traoré, l’actuel premier ministre Choguel Kokalla Maiga a également suivi ses études en communication dans l’ex-Union soviétique.

Par Alexis Varei

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