La situation humanitaire continue de se dégrader dans la zone du Liptako-Gourma, où se rejoignent les frontières du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Selon l’Organisation des Nations unies, plus de 100 000 personnes ont été contraintes de fuir l’insécurité et la violence qui sévit dans la région de Tillabéry, au Niger.
Des milliers de familles se retrouvent aujourd’hui loin de leurs villages, coupées de leurs moyens traditionnels de subsistance et exposées à une pénurie alimentaire de plus en plus critique.
Fassouma Samsou, 55 ans, est veuve et mère de cinq enfants. « Pour fuir les violences, nous avons dû marcher avec ma famille plus de 50 kilomètres, sans rien manger. Nous avons trouvé refuge dans un autre village mais nous manquons de nourriture », explique-t-elle.
C’est à Banibangou, principal village d’accueil des déplacés, qu’elle s’est installée. L’entraide y est forte entre familles déplacées et familles hôtes : elles se partagent les maigres ressources, et Fassouma dit devoir sa survie à cette solidarité.
À son arrivée, Fassouma a été accueillie, avec douze autres personnes déplacées, dans une famille qui comptait déjà dix personnes. « En onze jours, nous avons épuisé les ressources de cette famille généreuse », déclare-t-elle un peu gênée.
Déficit agricole et insécurité
Plus de 3100 personnes ont fui les affrontements armés qui se sont déroulés en janvier 2020 à Sinegodar et dans les villages aux alentours de cette localité. Elles tentent de reconstruire leur vie à Banibangou, loin de chez elles et sans ressources. Elles ne peuvent compter que sur l’esprit de partage des familles hôtes, qui ont pourtant peu à offrir. Fait aggravant : comme la commune a connu deux saisons successives de déficit agricole, les stocks alimentaires sont insuffisants. Résultat : beaucoup ne mangent pas à leur faim.
Pour les aider à tenir et soulager les familles d’accueil, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Croix-Rouge nigérienne (CRN) ont distribué de la nourriture. Afin de couvrir les besoins alimentaires de base pour deux mois, chaque famille déplacée a reçu 242 kilos de vivres, soit une ration composée de mil, de riz, de niébé, d’huile végétale et de suppléments nutritionnels.
Situé à 250 kilomètres au nord-est de la capitale Niamey et à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le Mali, le village se trouve dans une zone difficile d’accès et subit depuis quelques années des incursions fréquentes des groupes armés venant du Mali. Les incidents de sécurité dans le Nord du Mali se font souvent sentir dans la région de Tillabéri, et spécialement à Banibangou.
Un retour pour l’instant impossible
L’hospitalité dans cette partie du monde reste une valeur forte. A l’approche de la saison des pluies, des familles d’accueil partagent un lopin de terre avec les déplacés afin que ces derniers puissent cultiver. « Il est de notre devoir d’accueillir ces personnes car nous souffrons tous de cette situation », affirme Issoufou Arbi* , un père de famille d’accueil. « Il y a encore peu, l’insécurité au Mali ne nous touchait pas, mais aujourd’hui nous vivons avec et nous ignorons ce que le futur sera pour nous tous. »
Début juin, le CICR a livré dans la région de Tillabéri du matériel et des consommables aux centres de santé de Bangaré, de Bankilaré et de Chatoumane. L’organisation a également assisté la CRN dans la distribution de 112 tonnes de son et de blé à 7868 agropasteurs déplacés venant de la commune de Dessa, dont 6167 personnes se trouvaient à Famalé, 1190 à Kandaji et 511 à Diomona . Pour l’instant, les chances de retour des déplacés dans leurs villages d’origine sont faibles en raison de l’insécurité qui continue de régner dans la région. Les enlèvements et le paiement de rançon sont fréquents. Le CICR et la CRN évaluent par quels moyens ils pourraient aider au mieux les familles désireuses de s’engager dans des activités agricoles et de commerce.
Fassinou Maraika