Pétrole : l’Opep sans l’Angola dès 2024, un « signal fort »

Le retrait de l’Angola des rangs de l’Opep a résonné dans le secteur au niveau mondial. Dans un contexte complexe, les pays producteurs de pétrole tentent-ils de « sauver leur tête » chacun à sa manière ?

Dès ce mois de janvier, le Brésil rejoint officiellement l’Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole (Opep), qui acte également la sortie de l’Angola. Le deuxième producteur africain de pétrole derrière le Nigeria a annoncé sa décision de se retirer du cartel le 21 décembre dernier après un conseil des ministres dirigé par le président Joao Lourenço. En cause, son mécontentement quant au quota qui lui a été imposé dans le cadre de la réduction de la production de l’Opep. « Le retrait de l’Angola des rangs de l’Opep est un signal politique fort », estime l’expert en énergies Jean-Pierre Favennec. « Cela affaiblit clairement l’Opep parce que cela montre que certains pays ne sont pas contents de la politique de l’Organisation et n’hésitent pas à prendre la mesure radicale d’en claquer la porte », explique ce professeur à l’Université Paris Dauphine et fin connaisseur du secteur des énergies en Afrique. « On a quand même souvent vu les pays ne pas respecter les plafonds de production fixés par l’Opep, sans que cela n’entraine des sanctions majeures, remarque-t-il. Je crois que c’est surtout un geste politique de l’Angola qui veut montrer son mécontentement par rapport à l’Opep ».

Une affaire d’ « intérêts »

En clair, l’Angola veut pouvoir produire 1,18 million de barils par jour, bien plus que les 1,11 million de barils par jour qui lui ont été attribués par l’Opep. « Nous pensons qu’à l’heure actuelle, l’Angola ne gagne rien à rester dans l’organisation et, pour défendre ses intérêts, il a décidé de la quitter. Lorsque nous voyons que nous sommes dans des organisations et que nos contributions, nos idées, n’ont aucun effet, il vaut mieux partir », a expliqué Diamantino Azevedo, le ministre des ressources minérales, oil & gas de l’Angola, soulignant que « ce n’est pas une décision irréfléchie et prématurée ».

C’est en 2007 que l’Angola a rejoint l’Opep. A ce moment, le pays vit un boom pétrolier sans précédent qui le fait émerger comme la « nouvelle force » du cartel, comme titrait alors Libération.

Cependant, la traditionnelle fluctuation du cours du baril – tributaire des crises dans le monde, en particuliers dans les pays producteurs – met l’Opep sous pression ces dernières années. Une pression d’autant plus forte depuis la montée de la cause climatique et les appels à abandonner les énergies fossiles. Lors de la COP 28, l’organisation avait demandé à ses membres de s’opposer à une sortie totale du pétrole. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’accord de Dubaï – bien que mentionnant pour la première fois les énergies fossiles – était critiqué par une partie de l’opinion. Mais face à cette pression et à l’incapacité de l’Opep de peser sur les prix face à une demande en baisse, l’Opep a décidé de réduire sa production, fixant alors des quotas de production aux pays membres.

L’Angola quant à elle – bien qu’engagée dans un plan de diversification économique – veut pouvoir bénéficier de ses ressources pour booster son économie. L’année dernière, le président Lourenço a inauguré l’extension de la Raffinerie de pétrole de Luanda gérée par la Société nationale pétrolière (Sonangol). Le projet vise en effet à augmenter la capacité du pays à transformer son pétrole brut.

Un retrait irréversible ?

Les autorités angolaises n’ont pas laissé entendre leur disposition à redevenir membre de l’Opep. Mais historiquement, les pays qui sortent du cartel ne sortent pas forcément définitivement. Outre l’Indonésie et l’Equation qui sont sortis à deux reprises de l’Opep, l’exemple du Gabon – dont le retrait a duré 21 ans – est éloquent. Membre depuis 1976, le pays alors dirigé par Omar Bongo quitte l’Opep en 1996 après le refus du cartel de revoir à la baisse sa cotisation au moment où le pays traverse une crise économique. Son retour n’interviendra qu’en 2016.

Pour des questions de quota en revanche, le Nigeria a déjà à plusieurs reprises menacé de quitter l’Opep. D’ailleurs après l’annonce de Luanda, plusieurs s’interrogeaient quant à l’orientation que prendrait Abuja. Mais fin décembre, le ministre nigérian du Pétrole a renouvelé le soutien de son pays au cartel et sa volonté d’en rester membre. « Le Nigeria joue un rôle assez important au sein de l’Opep dont il est membre de manière ininterrompue depuis 1971 et n’a pas forcément intérêt à en sortir», estime Favennec. D’ailleurs, le Nigeria est à ce jour le pays africain qui a le plus dirigé (5 fois) le secrétariat général de l’Opep, le dernier mandat étant celui de Mohammed Barkindo qui a précédé le Koweitien Haitam al-Gais, l’actuel patron de l’Opep.

En Angola, la majeure partie de l’opinion acclame la décision du gouvernement, estimant que ce dernier démontre sa souveraineté et fait preuve de leadership, même si certains estiment que quitter l’Opep ne serait pas forcément une décision stratégique. Dans les milieux d’experts en revanche, les plus connus que nous avons tenté de joindre, se refusent à tout commentaire. Sujet tabou parce qu’impliquant à la fois des intérêts nationaux et internationaux ? La question reste en suspens. En attendant, si réponse il y a, un projet de loi visant à lutter contre la contrebande des produits pétroliers sera voté au Parlement le 25 janvier prochain, régissant à la fois, l’importation, l’exportation, le stockage, le transport, la distribution et la commercialisation de ces produits.

Comme à son accoutumée, le secteur pétrolier reste tributaire de ce qui se passe dans le monde. Après le cocktail de crises auxquelles ont eu droit les économies de la planète ces quatre dernières années, l’évolution du marché du pétrole retient toutes les attentions. Entre l’Arabie Saoudite – chef de file de l’Opep – qui tente d’agir sur le prix face à une faible demande, les conflits internationaux qui apparaissent l’un après l’autre – avec notamment les tensions en mer Rouge – les ambitions économiques des pays en développement et la méticuleuse question de la transition énergétique pour faire face aux changements climatiques, l’or noir pourra-t-il être jeté aux oubliettes de si tôt ?

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