Aujourd’hui, Il est important que les entreprises africaines développent leurs propres politiques de RSE. Une stratégie qui participera grandement au rayonnement de l’entreprenariat africain.
Après une période de ralentissement, le taux de croissance du PIB africain a depuis rattrapé son niveau d’avant la crise du Covid pour atteindre 3,6 % en 2021 (contre 3,2 % en 2019 [1]).
Les investisseurs restent fortement attirés par le continent africain qui demeurent une terre d’opportunités et dont le système économique ne cesse de se développer. Le développement en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) [2] s’intensifie également, mais à deux niveaux différents.
La RSE est en effet prise en compte par la plupart des groupes internationaux implantés en Afrique [3]. L’Afrique développe également depuis quelques années une approche propre de la RSE, sous l’impulsion du législateur [4] ou d’organisations régionales[5]. Le développement de la RSE par les entreprises africaines reste toutefois limité. Les bienfaits de la RSE pour l’économie et l’éco-système du continent sont pourtant multiples.
Sur le plan interne à l’entreprise, l’adoption d’une politique RSE a d’abord démontré son aspect bénéfique sur le plan de la rentabilité. Parmi les leaders de l’industrie agro-alimentaire en Afrique, le groupe Sifca, qui a adopté une politique RSE depuis plus d’une décennie en Côte d’Ivoire, affirme qu’une approche RSE élargie, structurée et concertée a participé au succès de l’entreprise et permis une plus grande appropriation par les salariés du projet social et une meilleure maitrise de ses coûts.
Un autre exemple est celui du groupe Acep, réseau panafricain spécialisé dans le microfinancement d’entreprises, implanté notamment au Burkina Faso ou au Niger, qui a érigé la promotion de l’entreprenariat responsable et du développement durable en Afrique en véritable principe d’entreprise et soutient avec succès des politiques RSE non seulement pour ses clients mais également pour lui-même depuis plusieurs années [6].
A l’inverse, l’absence ou la faiblesse des politiques RSE peut s’avérer préjudiciable : au Sénégal, par exemple, l’usine de la société chinoise Twyford Ceramics à Sindia a été paralysée pendant plusieurs mois par des grèves importantes, ses employés dénonçant leurs conditions de travail et la mauvaise qualité des équipements.
Au niveau réputationnel, la mise en place d’une politique de RSE améliore l’attractivité des entreprises africaines auprès des investisseurs ou des établissements de crédit : de plus en plus d’investisseurs adoptent en effet les principes de l’Equateur, qui prévoient la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance pour l’octroi de tout investissement supérieur à 10 millions de dollars [7].
Afin de lutter contre la publicité mensongère ou excessive faite par certaines entreprises sur leurs engagements en matière de RSE [8], certaines organisations, comme par exemple la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), ont créée des labels RSE afin de normaliser et de certifier les approches RSE.
Sur le plan externe, le développement de politiques RSE par les entreprises africaines permettrait la mise en place d’actions favorables aux populations locales et une meilleure valorisation des valeurs et des savoirs africains. Sur le continent où la pauvreté est la plus importante au monde, les acteurs privés peuvent jouer un rôle de soutien aux pouvoirs publics, en participant par exemple à la formation des communautés locales, en assurant une couverture sociale à leurs employés, ou encore en promouvant la mise en place de process éco-responsables.
Il est enfin important que les entreprises africaines développent leurs propres politiques de RSE, aujourd’hui surtout inspirées de l’Europe ou des Etats-Unis, afin d’assurer le développement d’une RSE typiquement africaine et le rayonnement de l’entreprenariat africain.
Si l’adoption de pratiques en matière de RSE est vue comme une contrainte par certaines entreprises, force est pourtant de constater qu’elles en bénéficient sur le long terme, tant sur le plan financier que sur le plan réputationnel. Une prise de conscience des pouvoirs publics est cependant nécessaire pour la mise en place de cadres législatifs et fiscaux favorables afin de valoriser les actions des entreprises africaines en la matière.
(*) Managing Partner UGGC Africa
[1] AFD – Repères n°774 – « L’économie Africaine 2022 »
[2] La RSE renvoie à la prise en compte volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités.
[3] Par exemple, en France, Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi « Sapin II » ou au Royaume-Uni : Bribery Act 2010
[4] Voir par exemple la loi n°2018-35 du 11 juin 2018 en Tunisie.
[5] Voir par exemple la mise en place d’une stratégie RSE par la Banque Ouest Africaine de Développement pour la période 2020-2024
[6] Site internet du groupe Acep (https://groupacep.com consulté le 7 mars 2022) et Omer Mbadi – Jeune Afrique RSE : Acep Cameroun montre l’exemple dans la microfinance (https://www.jeuneafrique.com/mag/336753/economie/rse-acep-cameroun-montre-lexemple-microfinance/ consulté le 7 mars 2022).
[7] Les principes de l’Equateur, créés en 2003, dernièrement modifiés en 2020, et adoptés par 127 institutions financières à travers 37 états sont inspirés des directives de la Société financière internationale
[8] Interview de Placide Tagdine Dougah AFD publiée le 27 novembre 2021 – Forum RSE en Afrique Francophone : « cette troisième édition est celle des solutions concrètes » (https://www.afd.fr/fr/actualites/forum-RSE-Afrique?origin=/fr/rechercher?query=RSE consulté le 7 mars 2022)