Les successions des personnalités exposées et/ou chefs d’Etat ayant une importante descendance et des patrimoines conséquents ont souvent donné lieu à des contentieux parfois médiatisés ainsi notamment la succession du Président Houphouët Boigny, mais aussi en France ou aux Etats-Unis, les successions Hallyday ou Jarre.
Victor Fotso, grand industriel et homme d’affaires camerounais, décédait à l’âge de 93 ans à Neuilly, où il était hospitalisé. Il a laissé 23 épouses et 122 enfants et petits-enfants, mais aussi une vingtaine d’entreprises familiales réparties dans 10 pays du continent africain.
Pour lui succéder, Victor Fotso a désigné dans son testament l’un de ses fils cadets, avec l’assistance de quatre mandataires de la famille, décision qui semble contestée par deux de ses filles, de même que l’absence de partage immédiat. Nul n’étant censé demeurer dans l’indivision, on peut craindre des procès à venir.
La complexité du droit des successions internationales
En Europe, le règlement (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du conseil du 4 juillet 2012 a harmonisé la législation des Etats en matière de successions.
Ce n’est pas le cas en Afrique où l’on peut recourir à tous les moyens qu’offrent les droits nationaux africains pour prévoir de son vivant la transmission de son patrimoine (donations) ou pour organiser une transmission future (testaments, donations entre époux,…).
Certaines législations africaines, telle la loi burkinabé, consacrent la compétence de la loi nationale du défunt pour les successions internationales (1). D’autres retiennent la loi du domicile. Les législations sénégalaises, togolaises, béninoises et congolaises ont opté pour une solution mixte : rattachement à la loi nationale pour les questions relatives à la dévolution successorale, rattachement à la loi du lieu d’ouverture de la succession pour les questions relatives notamment à l’indivision successorale et au partage des actifs. (2). Au Gabon et en Centrafrique, la loi du domicile du défunt est applicable aux biens meubles de la succession, celle du lieu des immeubles aux biens immobiliers. (3). En Côte d’Ivoire, la Cour Suprême a consacré dans un arrêt relatif à la succession d’un Guinéen décédé à Abidjan, l’application de la loi du domicile, sauf pour les immeubles. (4). La même solution est appliquée dans les pays anglophones d’Afrique, ainsi qu’en France et en Belgique (5).
Un parent pourrait alors envisager de déshériter un de ses enfants en s’établissant avant son décès dans un pays qui ne retient pas la réserve héréditaire, tels les États Unis ou la Grande-Bretagne. Cependant, le juge devra déterminer si cette installation est effective et non une simple boite aux lettres pour bénéficier d’un régime juridique privilégié.
Certes, les testaments permettent d’éviter les conflits de règlement entre les héritiers légaux et familiaux (voir par exemple Loi Gabonaise article 667 du Code civil), mais la diversité des législations applicables et la complexité du droit international en cette matière constituent un terrain de choix pour faire naitre et prospérer des contentieux qui peuvent durer parfois plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années, selon les intérêts en jeu.
Les conflits entre héritiers : Regardez cette famille comme elle s’entend bien. On voit qu’elle n’a pas encore hérité. (Sacha Guitry)
Les notaires considèrent qu’un tiers des successions peuvent être considérées comme conflictuelles.
Un héritage ravive d’anciens conflits, des rancunes ou des frustrations : l’avidité, la jalousie, l’affectivité attachée aux souvenirs…. La contestation d’un testament demeure toujours possible : absence de signature ou signature falsifiée, insanité d’esprit, manipulation par un héritier ou un tiers, enrichissement injustifié d’un héritier, etc.
L’inégalité entre héritiers est également source de contentieux. (Ex libéralités excessives).
La désignation d’un administrateur provisoire peut-être une solution, mais, outre le fait qu’un tiers s’immisce dans les affaires familiales, son intervention a un coût que tous les indivisaires doivent supporter. Elle peut aussi présenter des risques si cet administrateur se révèle inactif, voire indélicat.
Les exemples de conflits sont nombreux, et pas seulement en Afrique
Les successions des personnalités exposées et/ou chefs d’Etat ayant une importante descendance et des patrimoines conséquents ont souvent donné lieu à des contentieux parfois médiatisés ainsi notamment la succession du Président Houphouët Boigny, mais aussi en France ou aux Etats-Unis, les successions Hallyday ou Jarre.
La médiation permet un règlement intelligent de la succession
Ces actions judiciaires de longue durée, parfois plus de 15 ans peuvent être évitées grâce à la médiation qui permet aussi d’échapper au morcellement des successions. Là où l’application du droit peut conduire à devoir partager les actions d’une entreprise, au risque de la rendre ingouvernable, un accord intelligent entre les héritiers peut permettre de gérer à la fois la détention du capital et celle de la direction et procurer des revenus aux héritiers.
Une médiation rapidement menée peut permettre d’éviter la perte de valeur des actifs par une indivision trop longue et conflictuelle.
Les actions en liquidation partage devant le Tribunal durent au minimum deux à trois ans et bloquent la succession. Les factures s’accumulent, les biens se dégradent…ce qui représente beaucoup d’argent gaspillé qui ne profitera à aucun des héritiers.
Dans certaines situations, le jugement rendu ne satisfera aucune des parties. Il engendrera le risque de voir un vainqueur et un vaincu continuer à s’opposer.
La médiation peut permettre de mettre en œuvre un règlement amiable de la succession respectueux de la tradition africaine et des équilibres familiaux.
La logique de la perpétuation de la personne au-delà du décès dans la tradition africaine est en effet ignorée du droit civil.
Les conflits entre héritiers ne sont pas toujours des questions d’argent
L’argent dans une famille a une portée symbolique, extra économique, bien plus puissante que sa seule portée économique. En famille, l’argent ce n’est pas que de la monnaie. Il est lié à des enjeux psychiques et affectifs. Il a une fonction relationnelle importante, structure les liens intergénérationnels, ordonne des places, façonne des identités. C’est un fait de langage qui véhicule des attentes, des messages implicites. Il peut générer des sentiments d’injustice, de culpabilité.
La médiation permet l’expression des non-dits entre héritiers. Les mécomptes, les contentieux accumulés tout au long de l’histoire familiale, dont on n’a pas parlé, resurgissent au moment des héritages, moment propice aux règlements de comptes, notamment au niveau de la fratrie, qui va être fortement mise à l’épreuve au décès de parents.
De plus, la stricte égalité du partage peut s’avérer génératrice de frustrations. Une médiation peut permettre d’aboutir à la liquidation d’une succession paralysée depuis parfois des mois ou des années après avoir permis à chacun de s’exprimer, puis de ramener la paix et la concorde dans la famille.
La médiation est confidentielle
La médiation est confidentielle ce qui signifie que toutes les informations échangées au cours de la médiation ne peuvent être divulguées, que la médiation ait abouti ou pas. Dans tous les Etats de l’espace OHADA, cette confidentialité est garantie par les articles 8, 9 et 10 de l’Acte uniforme sur la médiation.
La médiation permet d’aboutir à un accord qui peut ensuite recevoir force exécutoire
Le médiateur n’est ni un juge ni un arbitre. Il ne va pas décider à la place des parties, mais seulement les aider à trouver un accord satisfaisant. A défaut d’accord, les parties peuvent se retirer à tout moment de la médiation. Il est aussi possible de ne conclure qu’un accord partiel et de soumettre les points non résolus au Tribunal. L’Acte uniforme garantit également que l’entrée en médiation suspend les délais de prescription.
Au regard de la complexité des successions internationales, les médiateurs choisis par les parties, sont le plus souvent des juristes de haut niveau et travaillent en binômes. Si à l’issue de la médiation, les parties parviennent à un accord, celui-ci peut être rendu exécutoire par simple ordonnance d’un juge ou homologation d’un notaire.
Les héritiers devraient avant toute procédure envisager comme un préalable la Médiation, mais aussi tout au long des opérations de liquidation partage. Les notaires et magistrats devront aussi de plus en plus orienter les parties vers ce mode de règlement amiable particulièrement adapté à une matière empreinte autant de psychologique que de juridique
(1) Au Burkina Faso, l’article 1043 du Code des Personnes et de la famille rattache la succession à la loi nationale du défunt, sauf si le défunt avait au moment de son décès des liens plus étroits avec l’Etat de son domicile.
(2) Article 847 du Code sénégalais de la famille. ; article 825 du code congolais ; articles 1004 et suivants du Code béninois.
(3) Article 53 du Code civil gabonais, article 43 de la loi 65-71 du 3 juin1965 en Centrafrique.
(4) C. Suprême de Côte d’Ivoire, 22 fév. 1973, Rev. Ivoirienne de droit 1972, p.74. ; C. Appel Abidjan, 1er aout 1969, JDI 1972, p. 865 et s.
(5) Nigeria Supreme Court, 16 Nov.1973, JDI 1981, p.376 et s. ; article 78 du Code belge de droit international privé.
(6) Plusieurs auteurs estiment qu’une adaptation du droit africain serait nécessaire pour respecter la logique de perpétuation de la personne dans la succession : on peut diviser les biens, mais il est souhaitable qu’un membre de la communauté continue à représenter la personne décédée dans la chaîne sociale. Le droit moderne pourrait reconnaître l’existence d’un héritier principal, d’un enfant qui aurait une majorité psychologique sur les autres étant donné les charges sociales associées à son rôle. (Présider une réunion familiale ou représenter la famille dans les cultes ancestraux).
(*) Avocat au Barreau de Paris -Médiateur (CNMA) / (* www.resonances-avocats.com )
(**) Avocat honoraire – Arbitre – Médiateur international (www.feneon.org)