Un business angel marocain sur la piste des startups africaines

Enfant de la mondialisation, Ilan Benhaïm est un entrepreneur et business angel- avec une triple origine : marocaine, autrichienne et française.  Diplômé de NEOMA Business School, il a cofondé en 2001 veepee.com (ex- vente-privee.com), entreprise spécialisée dans la vente événementielle qui a réalisé un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros. Il est également actionnaire de Blablacar. Depuis 2019, Ilan Benhaïm a créé IB Participations, holding d’investissement spécialisée dans le financement des start-ups françaises et internationales opérant dans l’univers du fashion, de la tech et du retail.

A ce jour, une vingtaine de start-ups ont déjà reçu son soutien. De sa filiale basée à Casablanca, IBP Africa, il va se déployer dans les pays francophones du continent en se positionnant en tant que tiers de confiance entre les investisseurs et les start-ups. En septembre prochain, Ilan Benhaïm organise un road-show qui le conduira au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en Mauritanie. Dans cette interview, il décrypte sa stratégie.

Quelles sont vos ambitions sur le marché africain des startups ?

Ilan Benhaïm : Me projeter sur le marché africain est une orientation naturelle pour moi. J’ai une filiale de la holding familiale au Maroc, IB Participations dont l’objet est de réaliser des investissements au Maroc et en Afrique subsaharienne à travers des prises de participations dans les startups. Nous Africains avons souvent ce petit complexe selon lequel nous ne sommes pas aussi bien que les Américains, les Européens, etc. Je vais démontrer que le continent regorge d’énormes potentiels pour un entrepreneur. Bien sûr qu’il y a toujours des choses à améliorer et des obstacles dans l’environnement des affaires, comme partout. Je vous avoue que j’ai été agréablement surpris par la qualité des pitchs et des entrepreneurs que j’ai rencontrés.

Après, les plus sceptiques opposeront toujours l’argument de l’étroitesse du marché. Malgré son milliard d’habitants, tout le Continent a un PIB équivalent à celui la France. Je considère que les gisements de création de richesses et d’inventivité sont inépuisables en Afrique. En tant que business angel, si nous arrivons à créer des champions locaux innovants et agiles, demain, ces start-ups pourront devenir des champions à l’international.

Pourquoi avez-vous choisi de vous positionnez en tant que tiers de confiance entre les détenteurs de capitaux et les start-ups ?

Je suis parti du constat d’une crise de confiance entre les porteurs de projets et les détenteurs de capitaux. Ces derniers se méfient de petites entreprises. Dans l’autre sens, les fondateurs de start-ups ont peur de perdre le contrôle de leur entreprise. Dès le départ, le business angel doit clarifier ses intentions en précisant qu’il vise une participation minoritaire et que son objectif est de valoriser sa mise. Il faut déminer le terrain tout de suite. En tant que business angel et investisseur, je ne m’engage dans une entreprise que pour insuffler l’accélération et lui faire franchir des paliers. Lorsque les choses sont présentées de manière très claire, la confiance s’installe. Les gens qui prennent 40% d’une start-up en apportant un peu d’argent créent de la méfiance. La relation doit être basée sur du win-win.

Quelle analyse faites-vous de l’écosystème des jeunes pousses sur le Continent ?

Je n’ai pas réalisé d’étude particulière mais je peux vous affirmer qu’en termes d’attractivité de capitaux, il n’y a pas une Afrique, mais deux Afrique. La partie anglophone attire des fonds américains, chinois et indiens qui savent faire du capital-risque et investissent beaucoup d’argent. Ceux qui créent des start-ups développent des concepts et des solutions en se projetant sur le marché mondial. Ce qui est très apprécié par les investisseurs. Le Kenya par exemple, attire dix fois plus d’investissements étrangers que le Maroc. L’autre avantage, c’est la facilité d’exit surtout pour les fintechs. En les rachetant à leurs fondateurs, les banques fluidifient les possibilités de sortie aux fonds qui ont investi dans ces petites entreprises.

Les pays francophones n’attirent que peu de capitaux. Ils accusent un gros retard par rapport aux pays anglophones. Etant marocain, j’ai pensé qu’il vaudrait mieux aller dans les pays qui accusent un déficit de capitaux malgré la présence d’un vivier d’entrepreneurs de très grande qualité. Dans les pays anglophones du continent, les fonds d’investissement étrangers sont plus présents et l’écosystème des start-ups y est plus dynamique. Plus concrètement, cela veut dire que si vous investissez dans les pays francophones, vous ne savez pas quand vous allez récupérer votre argent. Le marché manque de liquidité. Si un investisseur place 100 dans une entreprise, il ne sait pas comment il va récupérer les 1000 qu’il visait au départ. Les transactions de rachat des petites entreprises sont très rares. Evidemment, tous les fonds locaux hésitent à investir. Mais la situation commence à bouger. Les talents existent, le vivier d’entrepreneurs également. En face, ceux qui détiennent des capitaux hésitent à s’engager.

L’autre défi sur les marchés francophones, c’est d’améliorer la liquidité du marché afin de régler la problématique de sortie pour les business angels. Aujourd’hui, il est difficile pour un investisseur dans une startup de prévoir avec certitude son exit du tour de table. Dans les écosystèmes développés, ce sont les grandes entreprises qui dynamisent la liquidité du marché en rachetant les startups.

Comment expliquez-vous que l’écosystème marocain n’ait pas réussi à créer des fintechs ou à faire éclore au moins une licorne ? Où se situent les obstacles ?

Avant de parler de licorne, il faut d’abord disposer de gazelles. Pour qu’une entreprise devienne licorne, il faut du financement. Or aujourd’hui, les grands fonds étrangers n’ont pas encore placer le Maroc dans leurs radars. Une des explications tient à la projection des entrepreneurs. Les start-ups qui développent des solutions au Maroc visent surtout le marché local et peut-être, le marché africain. Par contre, une start-up kenyane du fait de l’atout de la langue anglaise entre autres, projettera naturellement son concept sur le marché international. Cette dimension est capitale car elle permet de biper dans les radars de grands fonds d’investissement internationaux. L’exemple d’Israël est à cet égard édifiant. Ce pays est un petit marché mais avec une impressionnante population des start-ups qui rayonnent dans le monde entier. Résultat, les capitaux étrangers s’y bousculent parce que les entrepreneurs créent des solutions déployables partout.

Quels sont les marchés que vous ciblez prioritairement?

Très clairement, les pays francophones car je considère que tout est à bâtir sur ces marchés. Pour aller vite, il faut viser les pays où il n’y a pas encore embouteillage des opérateurs et il faut bâtir la confiance entre les porteurs de projets et les investisseurs. Je me concentre sur l’Afrique francophone parce que je la connais, et en tant que tiers de confiance, je peux apporter ma contribution aux fondations de l’écosystème des start-ups. C’est un marché de 500 millions d’habitants doté de talents et de ressources bien formées. En septembre prochain, je vais organiser un roadshows avec des étapes en Côte d’ivoire, au Sénégal et en Mauritanie.


Quatre pépites accompagnées au Maroc

Au Maroc, IBP Participations, la holding d’Ilan Benhaïm a déjà financé 4 start-ups en phase d’amorçage : Nadari, Saweblia, Pip Pip Yalah et Shipex.

Nadari est une jeune entreprise qui ambitionne de révolutionner le marché marocain de l’optique en rendant plus accessible l’achat de lunettes de vue. Nadari est en effet le premier acteur 100% marocain du secteur à intégrer l’industrialisation et la commercialisation de ses lunettes au sein d’un même espace, et ce dans un délai compressé de 20 minutes et à des prix extrêmement compétitifs à partir de 200 DH. La start-up table aujourd’hui sur une stratégie de croissance rapide qui permettra l’ouverture de plusieurs points de vente à travers le royaume (20 magasins d’ici 3 ans) et, à terme, sur le continent africain.

. Saweblia : Entreprise des petits travaux à domicile et au bureau Lancé en 2019, Saweblia est un fournisseur complet de prestations de réparation et de maintenance, à domicile et au bureau. Présent à Casablanca et Mohammedia, Saweblia connecte professionnels et particuliers en demande de travaux de plomberie, d’électricité, de climatisation, peinture, désinfection, menuiserie avec une centaine d’artisans qualifiés et formés. La date et l’heure du rendez-vous sont décidés par le client, des prix connus à l’avance incluant les fournitures, plusieurs modes de paiement possibles et des prestations garanties jusqu’à 6 mois. En 2021, une nouvelle levée de fonds de 3 millions de DH permettra à la société de se déployer sur les villes de Rabat, Marrakech, Fès et Tanger et d’étoffer son catalogue de services (piscine, jardinage, télévision, satellite…) en recrutant 400 nouveaux artisans.

Pip Pip Yalah : Première application marocaine de covoiturage intervilles, Pip Pip Yalah propose un service innovant et flexible, basé sur l’économie collaborative. Sa vocation : développer la culture du covoiturage au Maroc et participer à l’éclosion d’une mobilité éthique et durable, tout en garantissant la sécurité de ses utilisateurs via un système de vérification de leur identité. Figurant dans le Top 5 des téléchargements de Google Play Store au Maroc, l’application regroupe actuellement la plus grande communauté du genre à travers le Royaume, avec plus de 340 000 utilisateurs et jusqu’à 1 000 offres de covoiturage par jour. Pip Pip3 Yalah a aussi remporté le prix de la meilleure application de l’édition 2020 des Maroc Web Awards.

Shipex est une société 100% marocaine qui a pour objectif de révolutionner le marché de la messagerie express internationale. Elle propose ainsi à ses utilisateurs, particuliers ou professionnels, une application mobile et une plateforme web interactive qui s’appuie sur le savoir-faire des leaders mondiaux du secteur, leur permettant de gérer avec autant d’efficacité et de simplicité les envois de documents et de colis dans plus 220 pays à travers le monde.

Par la rédaction

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