Vanille, ylang-ylang… ces matières premières aromatiques des Comores prisées par l’industrie française

Communément appelée « l’Archipel aux parfums », les Comores sont depuis de nombreuses années une destination sûre pour les industriels en quête de vanille ou d’ylang-ylang de haute qualité. Immersion sur l’île de la Grande Comore où se tractent des deals qui alimentent l’industrie agroalimentaire et de la haute parfumerie en Europe, en Amérique et même en Asie.

Sur quelques rares étals du célèbre marché Volo Volo à Moroni, on trouve de la vanille (sous forme de gousse ou d’arôme), des essences d’ylang yang, de jasmin, de romarin…, plébiscités par les touristes. Ici, les marchands connaissent bien la valeur de ces matières premières aromatiques et spéculent à souhait sur le prix. « Nos produits sont parmi les meilleurs au monde en terme de qualité », lance Mohamed, un commerçant de la place.

Mais généralement aux Comores, les matières premières aromatiques produites ne sont pas principalement destinées au marché local. Ce sont les principaux produits d’exportation du pays. L’archipel est le deuxième producteur mondial de vanille avec des quantités moindres (20 à 25 tonnes par an) que celles de Madagascar (le leader mondial avec environ 2.000 tonnes par an) mais, « tout le monde sait que la vanille comorienne est de meilleure qualité », appuie Sitti Djahouaria Chihabiddine, patronne de Vaniacom. Cette entrepreneure également présidente de l’Organisation patronale des Comores (Opaco) qui rassemble les plus grandes entreprises du pays est aussi connue pour être « la reine de la vanille » depuis une vingtaine d’années. « La qualité de la vanille comorienne est liée à plusieurs aspects : celui du terroir comorien, nous sommes dans un pays volcanique, dont les sols sont connus pour être riches en nutriments. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter quoi que ce soit. En général les produits comoriens ont toujours une saveur particulière », explique cette experte. « Le deuxième aspect, poursuit-elle, c’est le savoir-faire. La vanille est un produit noble, son traitement ici est presque religieux. Comme nous avons une faible quantité, nous avons vraiment tout le temps pour dorloter ce produit, à l’inverse d’autres pays ».

 

Les gros clients de la vanille viennent du Japon, d’Amérique et surtout d’Europe, notamment de France. « Danone par exemple utilise la vanille des Comores », affirme un négociant originaire de l’île d’Anjouan et qui a développé un vrai business autour des matières premières aromatiques. En effet, Danone déclare l’usage de « la vanille des Comores » notamment dans ses yaourts Michel et Augustin. De même, Monde de la Vanille, originaire de Seine-Maritime ou le spécialiste Eurovanille, installé dans le Pas-de-Calais – qui fournit la vanille transformés aux artisans, aux industriels, la grande distribution et les grossistes – sont autant d’entreprises françaises qui regardent aussi aux Comores pour leur approvisionnement en brut.

Chanel N°5, Brume de Guerlain…. Ces parfums haut de gamme à l’ylang comorien

Si la vanille comorienne alimente l’industrie agroalimentaire internationale, une autre matière première aromatique quitte les sols comoriens pour parcourir des milliers de kilomètres, afin d’enchanter l’industrie cosmétique en général et de la parfumerie en particulier : l’ylang-ylang, dont les Comores sont considérés comme le premier producteur mondial. Originaire d’Asie du sud-est, cette essence est considérée comme la base des parfums. « Le Chanel N°5 par exemple ne serait pas ce qu’il est sans l’ylang ylang comorien », estime un négociant qui requiert l’anonymat en raison de la confidentialité de ses clients. Mais cette affirmation est monnaie courante à Moroni. « Le parfum Brume de Guerlain est fait d’ylang comorien », ajoute Sitti Chihabiddine qui, en plus d’exporter la vanille, exporte aussi l’ylang-ylang. « Notre position de leader sur l’ylang-ylang, est un avantage dans le temps. Et comme la vanille comorienne, l’ylang comorien est considéré comme l’un des meilleurs au monde en terme de qualité et cela est une fois de plus lié au terroir », explique cette entrepreneure, estimant cependant que ce leadership est peu à peu ravi à cet archipel de l’Océan indien en raison des volumes produits avec les temps par d’autres pays. « Sur toutes ces matières premières aromatiques en général, si les gens cherchent la quantité, ils se tourneront vers d’autres destinations, poursuit-elle. Mais s’ils cherchent le top de la qualité, nous sommes au rendez-vous ».

Exploitation équitable ?

Quid de l’exploitation équitable de ces ressources, tant pour les planteurs, que pour l’économie nationale ? « Je pourrais paraitre cynique, mais l’effort qui a été fait et qui n’est pas malheureusement pas assez visible de l’étranger », estime le négociant anjouanais. « Il faut être réaliste, poursuit-il. On ne peut pas avoir une maitrise totale… sauf si nous développons chez nous une industrie complète autour de l’ylang-ylang. L’huile essentielle achetée aux Comores n’est pas vendue en l’état à Chanel. Après exportation, cette essence est retransformée. Il y a donc toute une industrie qui investit pour des centaines de millions de dollars avant d’atteindre les grandes marques. Evidemment, ils le font dans une démarche purement capitaliste. C’est ainsi que les prix grimpent jusqu’au client final ». D’après lui, certains grands groupes comme « Guerlain et Chanel ont effectué des missions aux Comores pour s’assurer de la mise en place de filets sociaux » en faveur des acteurs de la chaine de production.

Les acteurs locaux aussi, comme Vaniacom, assurent mettre en place des filets sociaux pour leurs collaborateurs. « C’est couteux pour des acteurs locaux comme nous, mais nous devons assurer aux producteurs, les meilleures conditions de travail », confie Sitti Chihabiddine.

La quantité, un challenge

Une des plus grandes attentes des acteurs des filières des matières premières aromatiques comoriennes est d’accroitre leurs quantités, afin d’associer à la qualité des approvisionnements plus conséquents aux entreprises friandes des produits de l’archipel aux parfums. Pour davantage relever le niveau d’exploitation de ces produits, l’Etat a mis en place un nouvel organe visant à encourager l’industrialisation de la vanille, de l’ylang-ylang et du clou de girofle très prisé par les Asiatiques, notamment les Chinois. A la Chambre de commerce, on clame l’accélération dans l’amélioration des conditions industrielles. « Les infrastructures restent un défi pour développer de vraies industries dans notre pays. Il nous faut aussi développer une certification Bio, résoudre les problèmes logistiques… », explique Hamidou Mhoma, directeur régional de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat de la Grande Comore.

Alors que les Comores ont acté ce 24 janvier la victoire du président Azali Assoumani confirmée par la Cour suprême, l’un des chantiers du prochain gouvernement sera justement de s’attaquer à ces filières de rente, après la cacophonie des prix de vanille pour la campagne 2022, laquelle avait freiné l’écoulement des stocks pour de nombreux acteurs l’an dernier. Il sera également question de tabler sur les prix pour la prochaine campagne.

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