A l’occasion de la visite de Macron en Algérie, « il n’y aura pas d’annonce de grand contrat »

Emmanuel Macron, qui commence ce jeudi une visite de trois jours en Algérie, espère pouvoir apaiser les tensions diplomatiques et de s’adresser aux jeunes Algériens, qui composent 80% de la population. Rien ne sera simple tant les liens entre Paris et Alger se sont refroidis depuis des propos, jugés blessants, tenus par le président français sur l’histoire du pays. L’Elysée a déjà prévenu qu’il n’y aura pas dans le domaine économique d’annonce de grand contrat alors que la France est économiquement à la peine en Algérie.

Pour la première fois depuis 2017, Emmanuel Macron se rend en Algérie pour une visite de trois jours. Selon son entourage, le président français « a fait le choix d’orienter cette visite vers l’avenir ». Pour mener cette mission à bien, il va d’abord falloir dissiper des malentendus apparus au grand jour à la suite de propos jugés méprisants sur l’héritage de l’époque coloniale et ainsi renouer une relation plus apaisée.

Un exercice à haut risque mais nécessaire tant la France a besoin de l’Algérie pour pourvoir à ses besoins en gaz et redevenir un partenaire économique d’envergure alors que la Chine ne cesse de lui ravir des parts de marché. En plus de ces questions mémorielles, les Algériens attendent aussi de Paris qu’elle renoue avec une politique de visas plus généreuse.

Pour que cette visite soit une réussite, Emmanuel Macron sera accompagné d’une importante délégation comprenant sept ministres. Il sera accueilli à sa descente d’avion par son homologue, Abdelmadjid Tebboune. Les deux présidents se rendront ensuite au Monument des Martyrs, haut lieu de la mémoire algérienne de la guerre d’indépendance (1954-1962) face à la France, avant un tête-à-tête et un dîner au palais présidentiel. La visite coïncide avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre et la proclamation de l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Déterminé à orienter ce déplacement vers « la jeunesse et l’avenir», Emmanuel Macron rencontrera aussi de jeunes entrepreneurs algériens avant de se rendre à Oran, la deuxième ville du pays, réputée pour son esprit de liberté, incarné par le raï dans les années 80.

« L’Algérie cherche des relations économiques solides et un partenariat sérieux », a déclaré un responsable algérien sous couvert d’anonymat. La délégation d’Emmanuel Macron comprendra aussi les dirigeants des sociétés Engie et Free.

« Il n’y aura pas dans le domaine économique d’annonce de grand contrat », a déjà prévenu l’Elysée. « L’Algérie est effectivement l’un des fournisseurs de gaz de la France, et ça reste pour l’Algérie comme pour d’autres pays une priorité de s’assurer que nous avons assez de gaz dans le cadre de la crise en Ukraine, mais ce n’est pas l’objet de la visite. »

L’Algérie attend de Macron qu’il expie ses propos « tenus l’an dernier »

L’objet de la visite est bien avant tout de reconstruire des relations diplomatiques apaisées. Lors de commentaires sur la campagne électorale l’an dernier, Emmanuel Macron avait suggéré que l’identité nationale de l’Algérie s’était forgée sous domination française et que les dirigeants algériens avaient réécrit l’histoire de la lutte pour l’indépendance en se fondant sur une forme de haine de la France.

Ces propos ont provoqué la colère des dirigeants algériens, qui ont rappelé leur ambassadeur et fermé leur espace aérien aux avions français, compliquant les trajets de la mission militaire française au Sahel. Abdelmadjid Tebboune attend ainsi de la part du président français qu’il expie ses propos tenus l’an dernier sur l’histoire de l’Algérie et son élite dirigeante.

La présence du grand rabbin de France dans la délégation irrite les conservateurs

A l’approche de la visite du président, les médias d’État – dont le ton reflète souvent la pensée officielle – ont publié des articles critiques à l’égard de la France et de son président.

Un rapport de l’agence de presse officielle publié cette semaine cite des organisations algériennes exigeant qu’Emmanuel Macron cesse d’héberger en France des groupes considérés comme hostiles à l’Algérie et soutenus par son principal rival régional, le Maroc.

Des dirigeants conservateurs ont en outre fait part de leur courroux face au choix présidentiel d’être accompagnés par l’évêque d’Alger et le grand rabbin de France.

Pour Abderazak Makri, l’un des chefs de l’opposition, cette décision revient à encourager l’Algérie à normaliser ses relations avec Israël.

La France à la peine économiquement en Algérie

Retrouver un dialogue apaisé est d’autant plus crucial que La France est à la peine économiquement en Algérie où, avec environ 10% des parts de marché, elle est désormais supplantée par la Chine (16%), premier fournisseur du pays. Suez a perdu la gestion des eaux d’Alger, la RATP celle du métro et Aéroports de Paris celle de l’aéroport de la capitale. L’usine du groupe automobile Renault est aussi entravée par des quotas étatiques de pièces importées. « Il y a beaucoup de possibilités mais il faut que la France change de logiciel. La France a beaucoup perdu en Afrique », note l’économiste algérien Abderrahmane Mebtoul. La question des visas attribués par la France sera aussi au coeur des discussions, Emmanuel Macron ayant décidé en 2021 de les diviser par deux face à la réticence d’Alger à réadmettre des ressortissants indésirables en France.

(Avec agences)

Challenges Radio

Read Previous

[Tribune de Benoit Ngom] Macron et la refondation de la relation Afrique-France

Read Next

ONU : Vera Songwe démissionne de la Commission économique pour l’Afrique

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.