Les mangroves, zones du début de cycle de développement de bon nombre de poissons, de mollusque, de crustacés et de crevette, sont en train de perdre en superficie en Côte d’Ivoire. De 1.100 km² en 1966, elle est passée à 99 km² en 2006. Pourtant, cet écosystème qui constitue la maternité des poissons joue également un rôle important contre la hauteur des vagues en les réduisant de 66% et absorbe à l’échelle mondiale, en moyenne 4,19 milliards de tonnes de CO2.
Dans la zone de Sassandra, le littoral qui produit près de 80% de poissons de la Côte d’Ivoire, les mangroves sont menacées de disparition. La majeure partie des femmes qui transforment le poisson (enfumage) utilisent le palétuvier (issue des mangroves) pour cette activité. Pour elles, cette variété de bois se consume lentement et il est économique pour fumer le poisson. Aussi, certains travaux de charpenterie sont-ils réalisés avec cette espèce d’arbre. Or, l’abondance et la bonne santé de mangroves permettent l’abondance de poissons et favorise une bonne production de la pêche. Si bien que le chiffre d’affaires annuel de l’activité de pêche (principalement les Aarons) avec toute la chaîne de valeur dans cette localité rapporte 8 milliards Fcfa (environ 14,5 millions USD) par an, selon les chiffres de la direction départementale du ministère des Ressources animales et halieutiques.
« Nos rendements ont beaucoup baissé depuis deux à trois ans. Aujourd’hui, il faut que nos autorités nous aident dans les renforcements de capacité afin de voir comment augmenter la production qui a considérablement baissé. A l’époque, à partir de novembre, les poissons comme le Sosso, le Carpe et sol commencent à sortir et Sassandra était premier en matière de production de poisson. Mais nous ne savons même plus quel rang nous occupons dans le classement », explique Kra hugues Alain, président des mareyeurs de Sassandra.
Face à la baisse drastique de la présence de poissons en mer et dans les fleuves, due en grande partie à la destruction des mangroves, le maire de la commune de Sassandra, Sangaré Zié Léonard, veut sévir : « Nous avons pris un arrêté tant communal que préfectoral qui permettra, en accord avec les forces de défense et de sécurité, d’arrêter tous ceux qui transportent les mangroves et ceux qui utilisent ces espèces pour l’enfumage du poisson ».
La dégradation irrationnelle des ressources naturelles dans cette zone poissonneuse a interpellé le gouvernement, notamment le ministère des Ressources animales et Halieutiques qui a mis en place un point focal du projet Initiative pêche côtière-Afrique de l’ouest (Ipcao) coordonné par Armand Zegbeu. Exécutée par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), l’initiative vise à « renforcer la gouvernance, la gestion et les chaînes de valeurs de la pêche par la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches, les outils internationaux pertinents et des partenariats innovants en matière des pêches… »
Des sites de préservation et de sauvegarde des mangroves ont été identifiés comme le complexe Sassandra-Dagbebo. Dans cette zone, au regard de la situation qui fâche, Soukohi Serge, président de l’ONG « Afrique verte environnement » sensibilise les populations riveraines et procède à des séances de planting de palétuvier. Il est aidé dans sa tâche par la convention d’Abidjan qui est une convention de gestion du littoral allant de la Mauritanie jusqu’en Afrique du Sud. Elle couvre donc l’Afrique de l’ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique Australe sur une longueur de plage de plus de 14000 km². Au niveau de l’Ipcao, la Convention d’Abidjan est chargée de la gestion de tous les aspects en relation avec la gestion durable des mangroves. « L’objectif global pour le projet est de 700 ha pour les trois pays membres du projet Ipcao. Mais comme il n’ya pas de mangroves au Cap vert, les 700 ha indicateurs de résultats ont été attribués à la Côte d’Ivoire et au Sénégal. Ce qui fait un objectif de 350 ha par pays. Sur les deux ans du projet, nous nous sommes fixés un objectif de 175 ha/an. Pour l’année 2020, les 175 ha ont été repartis comme suite : 5 ha pour la plantation, 25 ha pour la régénération naturelle assistée (Combler les parcelles endommagés) et 145 ha pour la mise en défens (création des aires marines protégées) », explique Dr Issola Yacoub, chargé du projet mangrove au niveau de la convention d’Abidjan.
Pour lui, les mangroves, à travers leur rôle de zone de frayeur et de nurserie, constituent les zones du début de cycle de développement de bon nombre de poissons, de mollusque, de crustacés et de crevette. Donc, en restaurant ces écosystèmes, c’est contribuer ainsi à reconstituer les stocks de poissons et à faire en sorte que les communautés riveraines puissent bénéficier d’une bonne pêche et résoudre ainsi un certain nombre de problèmes liés l’emploi, à l’exode rurale et permettre une cohésion sociale au niveau des différentes communautés.
La sauvegarde des mangroves demeure une nécessité selon le corps préfectoral de la région, qui a encouragé dorénavant les femmes transformatrices qui ont développé d’autres systèmes de foyers améliorés pour fumer le poisson, telle que Aka Rosine, qui exerce l’activité depuis près de 20 ans. « Nous n’avons pas d’usine, donc c’est de la pêche que nous vivons. Il ya des revenus importants lorsqu’il y a du poisson. Ce qui nous permet de nous occuper de nos familles depuis des années ». Elle déplore cependant le faible approvisionnement du marché local, car la grande partie des poissons sortent du pays. « Des consortiums viennent l’acheter pour aller revendre dans d’autres pays principalement au Ghana », ajoute-t-elle.
La destruction des mangroves pourrait avoir un impact sur le revenu de mareyeuses et freiner leur autonomisation. Allusion faite à Fouali Lou Pauline qui couvre les besoins de sa famille et scolarise ses enfants grâce à cette activité. Son premier amour perdu, elle s’est attachée à un deuxième qui est l’activité de la pêche qu’elle pratique depuis plus de 10 ans.
Par Yssouf Kamgaté