Par Ossène Ouattara
Chez les producteurs ivoiriens de coton, c’est l’inquiétude. Ils ont le sommeil troublé depuis que l’Amrasca biguttula a fait son apparition dans leurs vergers. L’insecte, qui serait venu d’Inde, s’attaque sévèrement aux cotonniers.
Une situation inédite dans la filière. Détecté au départ sur des plants de gombo et d’aubergine dans le centre et centre-ouest du pays, le ravageur a ensuite jeté son dévolu sur le cotonnier dès juin 2022. Sa piqûre provoque le jaunissement des feuilles et le dessèchement de la plante. Tout le bassin cotonnier (nord et centre) est touché.
Vaincre l’ennemi
Un front uni contre le bioagresseur est lancé. Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, en liaison avec le Conseil du coton et de l’anacarde (CCA) et l’Intercoton, a mobilisé des chercheurs du Centre national de recherche agronomique (CNRA) en vue de venir à bout de l’insecte. Du 26 au 30 septembre, des équipes ont sillonné les zones de production. Objectif : rassurer les producteurs.
Les échanges ont essentiellement porté sur l’efficacité des produits issus de la recherche, la disponibilité de ces produits et la manière de les utiliser pour circonscrire l’action de l’ennemi. Et surtout convaincre à ne pas abandonner la culture de coton, un des produits phares qui assurent des entrées de devises pour le pays, classé 3e rang africain au niveau de la production. « Il contribue à 7% du PIB », selon le représentant du ministère de l’Agriculture (chef de délégation). Cesser sa culture serait donc un important manque à gagner pour l’économie ivoirienne.
La recommandation du CNRA
Même si la traite cotonnière 2022 sera irrémédiablement marquée par des pertes importantes de rendement, les experts du CNRA ont appelé les producteurs à continuer le traitement de leurs champs pour réduire le nombre des jassides. Ajoutant que les nouveaux produits qu’ils ont mis au point prouveront leur pleine efficacité lors de la campagne 2023-2024.
Le directeur exécutif de l’Intercoton a exhorté producteurs et autres acteurs de la filière à faire confiance au CNRA et à s’approprier les solutions édictées pour au moins sauver la prochaine traite. « Nous sommes dans une situation de crise », a fait savoir Silué Siontiamma Jean-Baptiste, à l’étape de Napié. Même message délivré par Soro Yacouba, président de la Fédération des unions des sociétés coopératives des producteurs de la filière coton de Côte d’Ivoire (FPC-CI).
Le dilemme des producteurs
Dans la quasi-totalité des villes visitées par les équipes mixtes de sensibilisation, les producteurs ont exprimé une autre préoccupation. Ils avaient déjà contracté des crédits auprès des sociétés cotonnières avant que l’Amrasca biguttula ne fasse son apparition et s’attaquer aux vergers.
À Benguébougou, près de Korhogo (dans le nord), la plantation de Soro Jessédou est infectée à plus de 60%. Malgré son désarroi, le jeune homme trouve la force de pulvériser sa superficie de 4 hectares pour essayer de sauver ce qui peut encore l’être. « Vous contactez vous mêmes l’étendue des dégâts. L’an dernier, à cette même période, les cotonniers étaient hauts. Je ne sais pas comment faire pour rembourser mes crédits cette année », s’alarme-t-il.
À Odienné, un autre producteur a affirmé qu’en 30 ans d’expérience dans la culture de l’or blanc, il n’avait jamais vu une attaque aussi sévère. « C’est la première fois que je vois cela », déplore-t-il.
À environ 500 kilomètres de là, près de Botro dans le centre du pays, c’est le même constat de désolation dont a été témoin Soro Moussa (PCA de l’Intercoton) lorsqu’il s’est rendu dans le champ de Silué Ladji. Ce dernier, découragé de voir ses 3 hectares de plants rabougris de cotonnier, ne sait plus où donner de la tête. Sa doléance est identique à celle que ses collègues producteurs des autres localités sensibilisées ont formulée aux chefs des 4 équipes : « Nous demandons à l’État de nous venir en aide pour rembourser nos dettes », a-t-il lancé.