L’Union européenne se heurte au casse-tête de trouver des alternatives au pétrole et au gaz russe depuis le début de la guerre en Ukraine. L’arrêt éventuel des importations européennes sera semé d’embûches logistiques et financières d’après le Cepii. Une situation qui résulte d’un choix « cupide » mais « pas naïf », l’Europe ayant opté pour des approvisionnements russes car ils n’étaient pas chers.
Les calculs sont simples : si l’Europe se détourne du pétrole russe, « il faudra remplacer un peu plus d’un quart des importations totales » du continent, alerte ce mercredi 25 mai le Cepii, (centre d’études prospectives et d’informations internationales). Selon l’organisme rattaché à Matignon, 30% des importations européennes de pétrole proviennent de Russie et 40% des importations de produits pétroliers émanant de Moscou.
Le Cepii préconise donc de diversifier les approvisionnements en se tournant par exemple vers l’Arabie Saoudite, le Brésil, les États-Unis ou le Canada. Néanmoins, avoir recours à ces grands producteurs d’hydrocarbures, géographiquement plus éloignés de l’Europe que le voisin russe, renchérira mécaniquement les coûts de transport.
Reste aussi à convaincre ces éventuels partenaires de vendre leur combustible à l’Europe, alors que le Cepii interprète le contrat signé mi-mars par la Russie avec des entreprises indiennes à un prix bradé de 25 dollars le baril comme une mise en garde adressée à ces fournisseurs alternatifs. « Le signal transmis par la Russie est qu’elle n’hésitera pas à casser les prix s’ils venaient à augmenter leur production » pour satisfaire les velléités européennes de diversification, analysent les chercheurs.
Enfin, « il est important de considérer la qualité des pétroles bruts » que l’Europe pourrait importer à l’avenir. « Le pétrole russe ayant de bonnes qualités pour produire des distillats moyens (gazole), son remplacement par un autre pétrole pourrait demander un traitement plus complexe en raffinerie pour obtenir les mêmes produits finis », pointe le Cepii. Et de conclure : « Le prix des produits pétroliers devrait donc augmenter sous l’effet de ces contraintes techniques, indépendamment du jeu de l’offre et de la demande ».
La note est publiée alors que les membres de l’Union européenne tentent depuis plusieurs semaines de s’accorder sur un embargo sur les importations de pétrole russe. Malgré les réticences de la Hongrie, en quête de garanties sur le maintien de son approvisionnement, Paris et Berlin ont récemment dit espérer un accord dans les prochains jours.
Créer un acheteur unique pour le gaz
Sur la question des achats de gaz, que l’Union européenne envisage de réduire de deux tiers d’ici fin 2022, le Cepii plaide notamment pour la création d’un « acheteur unique européen ». Un interlocuteur unique qui pourrait renforcer le pouvoir de négociation des 27 avec les fournisseurs de gaz alternatifs à la Russie.
Gare aussi à ne pas se lier excessivement aux gros producteurs du Moyen-Orient, faute de quoi l’Europe pourrait « troquer la dépendance à la Russie pour celle au détroit d’Ormuz », une région aux « évidents risques géopolitiques ».
Parmi les potentiels nouveaux fournisseurs de gaz, les auteurs de la note identifient plusieurs « cibles prioritaires » : « les gisements de gaz découverts en Méditerranée orientale (Chypre, Israël, Liban), les nombreux projets GNL actuellement étudiés en Afrique (Mozambique, Mauritanie, Cameroun, Tanzanie, Djibouti) et la valorisation des importantes ressources de l’Amérique latine ». « Le potentiel existe donc », mais la diversification des approvisionnements implique de construire de nouvelles infrastructures gazières, un processus coûteux en temps et en argent.
L’objectif de réduction de deux tiers des importations ne sera donc pas atteint « sans envisager d’autres pistes, comme la substitution de ces importations d’énergies fossiles par des énergies vertes ou la réduction de la consommation d’énergie », conclut le Cepii.
Conséquences d’une Europe « cupide »…
En confiant en grande partie leur approvisionnement énergétique à la Russie, les Européens se sont montrés « cupides » et non « naïfs », a par ailleurs estimé mardi 24 mai la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager dans un entretien à plusieurs journaux européens.
« Nous n’avons pas été naïfs, nous avons été cupides. Notre industrie s’est beaucoup construite autour de l’énergie russe avant tout car elle n’était pas chère », affirme Margrethe Vestager, qui est aussi vice-présidente de la Commission européenne, dans cette interview publiée en France par Les Echos.
« Il y avait une grosse prime de risque – la dépendance – que nous payons aujourd’hui » avec les conséquences de la guerre en Ukraine, explique la commissaire qui juge qu’il « faudra désormais plutôt payer une prime à la sécurité », notamment en misant sur le gaz naturel liquéfié (GNL), plus cher mais qui pourra apporter « la stabilité et la prédictibilité, qui amèneront des investissements », assure-t-elle.
y compris concernant les métaux et terres rares
Margrethe Vestager ajoute d’ailleurs que l’attitude des Européens est la même sur le sujet des métaux et terres rares. Et ce, « avec la Chine pour de nombreux produits ou avec Taïwan pour les puces, où nous sommes avant tout allés chercher des coûts de production plus bas ». Elle plaide en faveur « de nouveaux partenariats internationaux », plutôt que le développement d’extraction minière sur le sol européen, « car cela prendrait au moins dix ans ».
« Pour les panneaux solaires et les semi-conducteurs, beaucoup de matériaux proviennent aujourd’hui de Chine, de Russie ou d’Ukraine. Il faut là aussi diversifier notre approvisionnement. Nous ne pouvons pas miser uniquement sur l’idée de développer des mines et des raffineries sur notre sol », considère la vice-présidente exécutive de la Commission, citant notamment le Canada, la Norvège et l’Australie comme pays disposant d’ « énormément de matériaux ».
Avec la rédaction de REUTERS