Finance climat : la BAD braque les projecteurs sur « la puissance du secteur privé »

Face aux énormes besoins de financement de l’Afrique pour son développement vert et aux promesses non tenues de l’Occident, la Banque africaine de développement qui tient ses assemblées annuelles du 22 au 26 mai à Charm el-Cheikh, en appelle au secteur privé.

Sur la décennie en cours, le continent africain a besoin de 1 300 à 1 600 milliards de dollars pour répondre efficacement aux défis émanant des changements climatiques, selon les évaluations de la Banque africaine de développement (BAD). Annuellement, ce sont au moins 130 milliards de dollars qui doivent être débloqués pour que la région -qui ne représente que 4% des émissions mondiales de carbone- puisse se développer tout en contribuant à l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050, tel que voulu par l’Accord de Paris. Alors que le financement public ne tient toujours pas ses promesses -les 100 milliards de dollars promis annuellement par les pays développés n’étant débloqués qu’à hauteur 18%, l’institution multilatérale de développement -tout en rappelant aux Occidentaux leur engagement- met le cap sur le financement privé. Cela explique le thème des assemblées annuelles qui se tiennent du 22 au 26 mai à Charm el-Cheikh : « Mobiliser le financement du secteur privé pour le climat et la croissance verte en Afrique ».

« Laissons libre cours à la puissance du secteur privé »

« L’avenir de l’Afrique est vert », a déclaré Akinwumi Adesina, président de la BAD lors de la cérémonie d’ouverture des travaux ce mardi. Pour lui, le développement vert n’est pas un sujet de débat, mais plutôt de voir comment le continent peut y parvenir malgré les nombreux défis à relever tant sur le plan économique que social et humain. « Nos économies doivent se développer de manière propre. Pour cela, nous avons besoin du secteur privé. Laissons libre cours à la puissance du secteur privé, afin d’y parvenir », a-t-il appelé.

Déjà intégrée à l’Agenda 2063, la croissance verte est en effet au cœur des enjeux selon l’Union africaine (UA) qui en a rajouté une couche suite à la crise Covid, en initiant son plan d’action pour la relance verte. La priorité numéro 1 de ce plan est l’augmentation des flux de financement climatique ainsi que leur efficacité et leur impact. Dans une Afrique en proie depuis des décennies aux fâcheuses inondations, sècheresses et autres catastrophes et qui s’aggravent avec le temps, ces financements permettront de répondre aux autres priorités du plan d’action à savoir l’appui à une « transition juste », la promotion des énergies renouvelables et l’accessibilité énergétique -dans une région où 650 millions de personnes sont encore privées d’électricité-, mais aussi le développement d’une agriculture résiliente, d’infrastructures stratégiques, des villes vertes ou encore la gestion de la biodiversité. « Il est aujourd’hui urgent de trouver des sources de financements pour faire face à ces réalités. C’est en cela qu’il est important d’améliorer la qualité de l’attractivité de l’Afrique pour le financement privé », a déclaré Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA. En la matière d’ailleurs, plusieurs pays africains déplacés en délégation multiplient les rencontres avec le secteur privé pour démontrer leur positionnement avant-gardiste pour les investissements verts.

Egalement présent aux assemblées de la BAD, le président des Comores et président en exercice de l’UA, Azali Assoumani, a appelé les acteurs de la finance climat à être des partenaires de l’Afrique afin d’éviter que les crises sanitaire et climatique, mais aussi de conflit en Europe compromettent la capacité de l’Afrique à tenir ses engagements visant à atteindre les objectifs de développement durable et concrétiser les aspirations de l’agenda africain de 2063. « Trouver des solutions financières est désormais une question de survie », a déclaré pour sa part Abdel Fattah Al Sissi, président de la République arabe d’Egypte.

Le risque « n’est pas le problème » !

Alors que parler de financement privé en Afrique équivaut à évoquer le méticuleux sujet du risque, Akinwumi Adesina a tenu à boucler le débat dès lundi, lors de sa traditionnelle rencontre avec la presse. « Le problème n’est pas le risque ou la perception du risque que peuvent avoir les investisseurs en Afrique, parce que le risque est partout. Il est plutôt question de savoir comment on gère le risque », a-t-il déclaré. D’ailleurs pour lui, le risque en vaut la chandelle, car le financement privé permettra d’accélérer la machine et de changer les conditions de vie et impulser définitivement une croissance verte dans des zones vulnérables du continent comme le Sahel, entre autres.

Les responsables africains rappellent d’ailleurs le potentiel de rentabilité du continent africain qui, au-delà de subir les conséquences des dérèglements du climat, représente aussi une solution pour le monde, grâce notamment à son exposition au soleil, ses ressources stratégiques pour la transition énergétique.

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