« Impossible d’ignorer un continent qui abritera plus de 2 milliards d’habitants en 2050 » (Denis Sassou Nguesso, président du Congo)

À la veille de la COP28 pour le Climat, le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, s’exprime sur l’urgence climatique et sur la nécessité de réformer les institutions internationales, afin de renforcer la voix de l’Afrique dans le concert des nations.

LA TRIBUNE AFRIQUE – À l’issue du Sommet des trois Bassins dédié à la protection des forêts tropicales des bassins du Congo, d’Amazonie et de l’Asie du Sud-Est, quel est le message que vous souhaitez porter lors de la COP28 de Dubaï ?

DENIS SASSOU NGUESSO – Nous n’avons jamais cessé et nous ne cesserons jamais d’alerter l’opinion internationale sur les conséquences du dérèglement climatique. Il faut agir plus vite ! Dans ce combat, nous avons toujours porté l’accent sur la responsabilité historique des pays industrialisés qui doivent faire face à leurs responsabilités.

Les pays africains payent le plus lourd tribut climatique alors qu’ils ne sont responsables que de 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Dans un contexte mondial troublé par la Covid 19, puis par la guerre en Ukraine, les pays développés doivent aider les pays en développement, pour accompagner leur transition climatique qui exige des moyens considérables dont ils sont dépourvus. Tel est le principal message que je porterai lors de la prochaine COP28 pour le Climat. Au lendemain du Sommet des trois Bassins, les pays du Sud sont déterminés à se rendre à Dubaï pour parler d’une seule voix.

En 2017, vous lanciez l’initiative du Fonds Bleu, avec le Roi Mohammed VI du Maroc. De quelle façon ce projet a-t-il évolué ?

Effectivement, le Fonds bleu a été formalisé au Congo, à Oyo, en 2017. Un mémorandum d’entente y a été signé par plus d’une dizaine d’États pour financer des projets de lutte contre le dérèglement climatique. C’est le principal instrument financier de la Commission Climat du Bassin du Congo (CCBC, NDLR). L’étude de préfiguration du fonds a été réalisée ainsi que l’appel à projets. Ces projets ont été identifiés et maintenant, nous attendons les investisseurs qui traînent le pas (…).

Globalement, les engagements financiers promis par les pays riches ne sont pas tenus. Si l’on s’en tient aux informations d’organisations internationales indépendantes comme Oxfam, les aides réellement attribuées sont nettement inférieures aux chiffres publiés. Par ailleurs, ces fonds se présentent essentiellement sous forme de prêts, ce qui alourdit encore un peu plus le poids de la dette sur les pays africains.

Précisément, de quelle façon abordez-vous la question de la dette climatique ?

J’observe un certain nombre de contradictions des pays occidentaux sur le sujet de la dette climatique. Je m’interroge en particulier sur l’inadéquation des moyens financiers engagés, avec l’étendue des objectifs climatiques fixés. Il suffit de comparer leur difficulté à mobiliser les 100 milliards de dollars pour aider les pays du Sud à lutter contre le réchauffement climatique, avec la facilité qu’ils ont eue à débloquer des montants astronomiques en un temps record pour le conflit russo-ukrainien.

En septembre dernier, lors du Sommet États-Unis – Afrique, l’Union africaine obtenait un siège au G20. Dans quelle mesure, cela favorisera-t-il le poids de l’Afrique dans le débat mondial ?

Nous réclamions ce siège depuis des années. Il devrait être officialisé l’année prochaine. C’est un premier pas vers une meilleure considération du continent africain par les institutions internationales. Avec ce siège, nous ne serons plus de simples invités aux débats, mais des participants à part entière. Cela permettra à l’Afrique de s’exprimer sans laisser d’autres acteurs le faire à sa place. De toute façon, il n’est plus possible d’ignorer un continent qui abritera plus de 2 milliards d’habitants d’ici 2050.

Notre continent est jeune et notre jeunesse est de plus en plus éduquée. Notre voix dans le concert des nations doit se faire entendre. C’est le message que j’ai porté en septembre auprès de Joe Biden aux États-Unis, en juillet à Saint-Pétersbourg auprès de Vladimir Poutine, et en Chine auprès de Xi Jinping en août dernier (…).

Les rapports de force évoluent, en matière de géopolitique. La montée en puissance des BRICS illustre bien ce phénomène. Les institutions internationales, en particulier le Conseil de sécurité des Nations unies, doivent suivre cette évolution pour une meilleure représentativité des pays du Sud. Actuellement, le Conseil de sécurité est dans l’impossibilité de gérer des crises comme celles qui se déroulent en Ukraine où à Gaza. Ces institutions nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sont peut-être devenues obsolètes et doivent être réformées.

Challenges Radio

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