Investissements : quand les Comores se déploient pour attirer les capitaux

En 2023, les Comores ont été plus présents que jamais sur les plateformes d’échanges autour des investissements, tirant notamment avantage de leur présidence en exercice de l’Union africaine assurée par le président Azali Assoumani qui passera le flambeau en février 2024. Pour La Tribune Afrique, Nadjati Soidiki, directrice générale de l’Agence de promotion des investissements revient sur la récente adhésion de cet archipel est-africain à l’Organisation mondiale du commerce, détaille la stratégie d’attractivité des investissements et présentes les visées de Moroni en matière de partenariats internationaux.

Les Comores ont récemment finalisé leur adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette adhésion va-t-elle, à votre avis, booster l’attractivité de l’archipel en termes d’investissements ?

NADJATI SOIDIKI – Notre adhésion à l’OMC envoie déjà un message quant à notre volonté de compter dans le concert des nations et des organisations multilatérales, spécifiquement dans le domaine du commerce. Cela nous pousse également à favoriser la mise à niveau de nos entreprises, à les aider à davantage performer, à travailler sur des questions telles que la qualité, pour pouvoir accéder aux marchés. En plus, nous le faisons également pour nous préparer à la Zone de libre-échange continentale africaine [Zlecaf, Ndlr].

Ces dernières années, nous avons mis en place des mécanismes d’appui direct aux entreprises, ce que nous ne faisions pas auparavant. Nous sommes allés jusqu’à soutenir nos entreprises, en particulier celles qui opèrent dans le domaine industriel.

D’un point de vue financier, nous avons accordé un certain nombre de subventions à des entreprises dans certains secteurs, parce qu’il est essentiel que ces entreprises arrivent à concurrencer leurs homologues des autres marchés. L’OMC et la Zlecaf sont donc des opportunités. A nous de faire en sorte qu’elles le soient pour nos entreprises et pour la croissance de nos pays.

Comores

En matière d’investissement dans un pays, l’environnement des affaires est un facteur déterminant. Historiquement, plusieurs pays africains ont souvent piétiné en la matière. Aujourd’hui, comment se porte le climat des affaires aux Comores et comment travaillez-vous à l’améliorer ?

Aux Comores, nous démontrons la volonté d’améliorer le climat des affaires qui existe depuis une quinzaine d’années. Comme nos voisins africains, nous avions considéré le fait d’améliorer notre classement dans le rapport Doing Business avant qu’il ne cesse de paraitre en 2020. Nous avons normalisé le cadre légal des affaires qui, finalement, est regardé par tous les investisseurs quand ils choisissent une destination d’investissement.

Nous avons intégré des réformes davantage structurelles à nos plans d’action. Ainsi en une dizaine d’années, nous avons adopté une vingtaine de réformes qui nous ont permis de relever le standard de notre cadre légal et de le conformer aux bonnes pratiques. Nous avons revu la loi sur la concurrence, le code des marchés publics, le code général des impôts, le code du travail… Certains de nos indicateurs économiques se sont améliorés. Nous avons conscience néanmoins que nous pouvons faire mieux et plus. C’est la raison pour laquelle nous déployons une stratégie accélérée et établi une plateforme de dialogue avec le secteur privé.

La question des infrastructures se pose également avec acuité

Aujourd’hui, les difficultés de l’Afrique, ce sont les infrastructures, ce sont les coûts des facteurs et ce sont également tout un tas de choses que les entreprises ont besoin de pouvoir trouver pour investir sereinement. Et à ce niveau-là, nous, je crois qu’on a fait les communs sur la question des infrastructures. C’est de promouvoir le partenariat public-privé pour pouvoir relever suffisamment de fonds et d’expertise en provenance du secteur privé pour accompagner la mise à niveau de nos infrastructures de base et d’apporter de façon générale, progressivement, une réponse à tous les freins qui font que le climat des affaires pourrait être perçu comme n’étant pas en faveur.

Vous évoquiez plus tôt la Zlecaf. L’Union africaine, qui porte ce mégaprojet, est présidée par le président des Comores qui passera bientôt la main à son successeur. Comment ce leadership à l’UA aide-t-il votre pays dans sa stratégie de développement des investissements ?

Pour nous, la Zlecaf est avant tout un message, qui nous permet de dire aux investisseurs : « implantez-vous aux Comores, ce que vous produirez aux Comores, vous pourrez l’exporter à des conditions préférentielles » vers un marché d’1,2 millard d’habitants. Ce message est effectivement plus facile à porter quand on est sur le toit de l’Union africaine, parce qu’on dispose d’une tribune et qu’on est représenté dans les grands rendez-vous où nous rencontrons les milieux d’affaires. Après la Foire du commerce intra-africain au Caire [Egypte] en novembre à titre d’exemple, nous étions à Berlin [Allemagne], au Sommet du G20 sur l’investissement, pour justement présenter le cadre favorable à l’investissement fait d’un package d’incitations et d’avantages que nous avons mis en place, afin de faire progresser le commerce et l’investissement sur notre sol.

Après, je dirai que ce dynamisme n’a pas commencé avec la Zlecaf, parce que nous sommes membres du Comesa [marché commun de l’Afrique orientale et australe], qui nous offre déjà l’accès à 400 millions d’habitants. Nous sommes également membres de la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe]. Nous avons signé des partenariats économiques avec l’Union européenne et sommes éligible à l’AGOA qui est un accès au marché américain… Et nous soutenons tout cela par un accompagnement de nos entreprises pour qu’elles puissent saisir ces opportunités.

La France, les Etats-Unis et l’Afrique du Sud sont connus pour être les premiers investisseurs aux Comores. Comment la situation évolue-t-elle ces dernières années alors que vous êtes en pleine promotion des investissements ? Quels sont les autres pays émetteurs  que vous souhaitez voir se renforcer dans votre pays ?

Il y a des pays historiquement pourvoyeurs d’investissements, en raison de l’histoire et des relations que nous continuons d’entretenir. Mais aujourd’hui, il y a effectivement d’autres pays que nous aimerions voir s’installer chez nous, comme les marchés émergents. Déjà, les Emirats Arabes Unis sont notre premier partenaire commercial. Aujourd’hui, nous regardons davantage à la Chine, le Moyen-Orient et même nos voisins africains avec les champions qui sont en train d’émerger comme l’Egypte qui devient un investisseur en Afrique subsaharienne ou Maurice qui a une vraie stratégie africaine.

Parallèlement, nous travaillons aussi à rééquilibrer notre balance commerciale, car actuellement, les exportations comoriennes sont essentiellement des matières premières que sont les fleurs à parfums, la vanille, le girofle, etc.

Parler d’investissement, c’est parler aussi de risque. Vous êtes un petit pays,  comment vous abordez ce facteur face aux investisseurs ?

En Afrique en général, le risque est souvent perçu comme très élevé, ce qui n’est pas toujours le cas. Et la vérité est que lorsque l’investissement en Afrique réussit, il réussit mieux qu’ailleurs. Aux Comores, nous avons une panoplie d’instruments que nous offrons aux investisseurs afin de limiter et d’assurer le risque, comme le crédit à l’exportation, les assurances de garantie contre le risque… Nous sommes membres de la MIGA – l’assurance de garantie contre les risques de la Banque mondiale, de la SIAS -l’assurance de garantie contre les risques de l’Organisation de la coopération islamique… Nous avons fait en sorte également de limiter le risque juridique et judiciaire, pour déconstruire l’idée selon laquelle les juridictions des pays africains ne sont pas impartiales, ne sont pas fiables, sont lentes, et j’en passe. Notre pays est également membre de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA).

Nous avons en outre des instruments et des partenaires financiers qui peuvent rassurer les investisseurs. Une institution comme Afreximbank accompagnent les projets des investisseurs qui croient au développement de l’Afrique. Nous essayons d’être très stratégiques sur tous ces fronts.

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