Il l’avait annoncée de longue date. Vincent Bolloré prend sa retraite ce jeudi, tout en continuant à surveiller de près son empire médiatique et industriel aux 24 millions d’euros. Successeur, bilan de ses activités en France et à l’international. Challenges lui consacre un dossier spécial.
Ce jeudi 17 février sonne l’heure de la retraite officielle de Vincent Bolloré, l’industriel breton bientôt septuagénaire (le 1er avril 2022) et classé 14e fortune de France. Le milliardaire laisse derrière lui un empire médiatique et industriel colossal à travers ses groupes Bolloré et Vivendi, qu’il a réussi à étendre jusqu’à l’international et grâce auxquels il s’est diversifié: transports, logistique, audiovisuel (groupe Canal+ et ses chaînes C8 et CNews, radio Europe 1), presse (Prisma Media, premier groupe de magazines en France…), la publicité/communication (Havas) ou l’édition (Editis)… Malgré sa retraite annoncée, le magnat n’est pas près de lâcher tout à fait la main dessus.
Cyrille Bolloré, son fils cadet pour lui succéder
C’est sur les épaules de son fils cadet, Cyrille Bolloré, déjà PDG du groupe Bolloré depuis 2019, que le groupe Bolloré doit désormais reposer, avec une route déjà bien balisée. Ce grand échalas de 36 ans au débit de mitraillette est présenté par le premier cercle familial comme « le plus brillant » des quatre enfants de Vincent Bolloré.
« Il y a entre Cyrille et son père une sorte de mimétisme dans le comportement, c’est assez stupéfiant », observe l’ex-ministre Gérard Longuet, beau-frère du milliardaire. L’ancien maire socialiste de Quimper, Bernard Poignant, compagnon de route historique du flibustier d’Ergué-Gabéric, assure: « Vincent lui a fait franchir pas à pas toutes les marches du groupe et cela fait dix ans qu’il dit que celui qui lui succédera sera Cyrille ». L’aîné de cinq ans de Cyrille, Yannick Bolloré, est quant à lui aux commandes de Vivendi, en tant que président du conseil de surveillance depuis 2018. Centré sur la communication, ce groupe (qui appartient à 28% à Bolloré), comprend bien sûr la chaîne cryptée Canal +, devenue plateforme de contenus, mais aussi Europe 1 depuis l’année dernière.
Concentration médiatique
L’appartenance de C8, CNews, Europe 1 ou encore Prisma Media, premier groupe de magazines en France, ou encore de l’agence de publicité/communication (Havas) au groupe Vivendi a d’ailleurs valu à Vincent Bolloré une audition dans le cadre de la commission d’enquête sur la concentration des médias.
Canal +, Europe 1…: quel bilan tirer?
Du côté de Canal+, le bilan est positif: depuis le rachat du groupe en 2015 par Bolloré, la chaîne cryptée a largement su rebondir, et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au moment de la reprise en main, la chaîne avait 5,9 millions d’abonnés, toujours en France. Désormais, selon les derniers chiffres disponibles, elle en a 8,9 millions. Sur la seule année 2020, Canal a gagné en France 262.000 abonnés. La nouvelle stratégie tarifaire mise en œuvre et l’éclatement de son offre, avec des tarifs plus abordables, ont permis de trouver une agilité certaine.
Mais la méthode Bolloré ne prend pas à Europe 1. Audience en chute libre, comptes déficitaires… la radio du groupe Lagardère, contrôlée par Vivendi, perd encore 448.000 auditeurs sur un an, selon la dernière vague Médiamétrie, sortie à la mi-janvier. A 3,4% de parts d’audience, loin derrière France Inter (13,6%), et RTL (13,3%). Les synergies avec la chaîne d’information CNews, qui ont suscité une grève et 71 départs l’an dernier, ne sont pour l’instant pas payantes.
En Italie, Vivendi sort de la tourmente
Vincent Bolloré fréquente le monde des affaires en Italie depuis des décennies. Et pas toujours avec bonheur. En témoigne son offensive dans les médias et télécoms où il s’est embourbé depuis plus de six ans. Mais le camp Bolloré semble sur le point de sortir de ce piège par le haut. Actionnaire sans pouvoir au capital de Telecom Italia (TIM), flibustier échoué aux frontières de l’empire Mediaset de Silvio Berlusconi, vilipendé par la classe politique locale, le Français ne semblait être que l’ombre de lui-même dans la péninsule. D’abord à l’offensive dans les médias et les télécoms, le camp Vivendi joue désormais le rôle du gentil.
En Afrique, les vrais-faux adieux de Bolloré…
Tournant majeur pour la présence économique de la France en Afrique: en dévoilant, le 20 décembre dernier, être entré en négociation exclusive avec le groupe italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) pour la vente de ses actifs maritimes et ferroviaires africains pour 5,7 milliards d’euros, Vincent Bolloré a confirmé sa volonté de renoncer à un empire méticuleusement bâti depuis plus de vingt ans. Mais, via Vivendi, son groupe continue de miser sur le continent.
Le groupe y dispose notamment du premier réseau intégré en matière de logistique et de transport maritime. Présent dans 47 pays où sont implantées 250 filiales et 74 agences maritimes, il est le concessionnaire de 25 terminaux dont 16 à conteneurs. Il exploite également trois lignes de chemin de fer dont celle, emblématique, reliant Abidjan à Ouagadougou opérée par la filiale Sitarail. Unique au monde, ce maillage a permis de dégager un chiffre d’affaires de 2,1 milliards euros en 2020…