La croissance des crédits accordés par les banques au secteur privé a confirmé sa dynamique en février, avec une hausse de 4,8% sur un an (soit 0,2 point de plus par rapport à janvier). Une tendance qui s’observe aussi pour le ralentissement de la création monétaire, à rebours des records d’inflation.
Les prêts au secteur privé, ajustés de certaines opérations strictement financières, ont progressé de 4,8% sur un an, contre 4,6% en janvier et 4,2% en décembre, sur fond de taux d’intérêt campant à leur plus bas, a indiqué ce vendredi 25 mars la Banque centrale européenne (BCE).
Dans le détail, les prêts aux entreprises industrielles et commerciales ont progressé sur un an de 4,4% en février comme en janvier, en restant éloignés du niveau autour de 7% observé un an auparavant. Les crédits accordés aux ménages grimpent également de 4,4% en février, un dixième de point de plus qu’en janvier, en raison d’un rebond des crédits à la consommation tandis que la croissance demeure forte pour les emprunts liés à l’achat de logements.
La tendance des derniers mois se confirme avec une croissance moindre du côté de la masse monétaire M3, à 6,4%, un score moitié moindre en comparaison sur un an, alors que les aides publiques liées aux effets de la pandémie de Covid-19 se normalisaient.
L’agrégat M3 est utilisé par la BCE comme indicateur avancé de l’inflation, en comprenant les espèces en circulation, les crédits à plus de deux ans et les dépôts des ménages et des entreprises.
La BCE opte pour une « normalisation » de sa politique
Toutefois, ce ralentissement de création de la masse monétaire n’a pas empêché l’inflation d’atteindre en février un niveau de croissance historique dans la zone euro (+5,8%). Il s’agit du huitième mois consécutif de hausse. Un phénomène lié à la flambée des prix de l’énergie. Un niveau record depuis que l’office européen des statistiques la mesure en 1997. La BCE a d’ailleurs récemment relevé ses prévisions d’inflation pour 2022 à 5,1%.
À moyen terme, au-delà de 2024, la BCE voit toutefois l’inflation « de plus en plus se stabiliser autour de notre cible de 2% », selon sa présidente Christine Lagarde. Fort de cette perspective, l’institut veut enclencher une « normalisation » de sa politique accommodante, qui repose depuis des années sur d’amples rachats d’actifs et des taux au plus bas, pour ancrer les anticipations d’inflation des acteurs économiques dans la zone euro.
« Le moment est effectivement venu de lever le pied de l’accélérateur, comme décidé lors de notre dernière réunion du conseil des gouverneurs. Ceci étant dit, nous ne devrions pas surréagir à la volatilité à court terme des prix de l’énergie et plutôt nous concentrer davantage sur l’inflation sous-jacente et sur le moyen terme », a dit François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.
Mais l’incertitude très élevée du moment fait que les banquiers centraux sont aussi « prêts à revoir » leur stratégie si nécessaire, selon Christine Lagarde. La BCE a d’ailleurs annoncé mi-mars un resserrement de sa politique monétaire. Celui-ci va prendre la forme d’un arrêt de son programme de rachats d’obligations au troisième trimestre. Plus précisément, les achats réalisés dans le cadre du Programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP), lancé en mars 2020 et doté de 1.850 milliards d’euros, sera stoppé définitivement fin mars. Et si le programme APP, plus ancien et aux conditions moins souples, prendra le relais, ses achats seront réduits plus vite que prévu : de 40 milliards d’euros en avril, ils reviendront à 30 milliards en mai et 20 milliards en juin. Auparavant, la BCE prévoyait des achats mensuels de 40 milliards d’euros au deuxième trimestre, 30 milliards au troisième et 20 milliards au quatrième.
La BCE a par ailleurs indiqué ce jeudi 24 mars qu’elle pourrait relever ses taux d’intérêt cette année, même si ses orientations lui laissent une grande marge de manœuvre sur le calendrier d’une telle mesure, a précisé Frank Elderson, membre du conseil d’administration de la BCE.
Un durcissement des politiques monétaires dans le monde
À travers le monde, plusieurs banques centrales ont justement annoncé la semaine dernière une remontée de leur taux. Avec la guerre en Ukraine qui fait flamber les prix et aggrave l’inflation, elles se retrouvent en effet face à un dilemme : choisir entre garder des politiques monétaires ultra-accommodantes, au risque de voir l’inflation s’installer durablement, ou remonter leurs taux, ce qui pèse sur la capacité d’emprunt et les crédits des particuliers comme des entreprises, et au final sur la croissance et l’emploi.
Le relèvement des taux directeurs entraîne de facto des taux d’intérêt plus élevés pour les crédits accordés à leurs clients, pour l’achat d’une maison, d’une voiture, ou encore d’une télévision, par exemple. Cela doit donc faire ralentir la consommation, pour alléger la pression sur les prix. D’autant que les problèmes d’approvisionnement ne devraient pas être résolus de sitôt. Au risque toutefois de peser sur la croissance économique.
La Banque centrale américaine a par exemple opté pour une hausse prudente d’un quart de point de pourcentage, situant désormais ses taux dans une fourchette de 0,25% à 0,50%, après les avoir maintenus pendant deux ans entre 0% et 0,25%. Un consensus semble d’ailleurs émerger chez plusieurs dirigeants de l’institution monétaire pour une ou plusieurs fortes hausses des taux directeurs en 2022.
Quant à la Banque d’Angleterre, elle a aussi déjà relevé la semaine dernière sont taux d’intérêt de 0,25 point de pourcentage à 0,75% (son niveau pré-pandémie). Idem Autre exemple : la Banque du Canada a relevé début mars son taux directeur de 0,25 à 0,50%, pour la première fois depuis octobre 2018.
(Avec AFP)