Les sanctions de Washington et Bruxelles ciblent le système financier russe. Bloquer l’accès, pour les banques russes, aux marchés financiers internationaux et aux transactions en dollars, pourrait provoquer, selon les Etats-Unis, une hémorragie de capitaux et une flambée d’inflation.
Un diagnostic partagé par Bruxelles pour qui les sanctions « feront monter l’inflation, accéléreront les sorties de capitaux et éroderont progressivement la base industrielle » de la Russie, selon Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. En réponse, la Banque de Russie et le gouvernement russe vont aider les banques sanctionnées.
Alors que le système financier russe est au cœur des sanctions des puissances occidentales après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Banque de Russie a annoncé ce vendredi des mesures de soutien aux banques russes sanctionnées par les États-Unis et l’Union européenne, notamment les deux plus grandes, Sberbank et VTB. Désormais, les dix plus grandes institutions financières russes se retrouvent en effet visées par des sanctions, ce qui compromet leur accès aux marchés financiers internationaux et aux transactions en dollars, la devise reine de la mondialisation. De quoi, selon Washington, provoquer une hémorragie de capitaux et une flambée d’inflation. Un diagnostic partagé par Bruxelles. Les sanctions européennes « feront monter l’inflation, accéléreront les sorties de capitaux et éroderont progressivement la base industrielle » du pays, a, en effet, affirmé Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, citée par l’agence Reuters.
« La Banque de Russie et le gouvernement russe vont apporter toute l’assistance nécessaire aux banques sanctionnées par les États occidentaux », notamment aux deux plus grandes banques du pays, VTB et Sberbank, a indiqué l’institution financière dans un communiqué.
« Toutes les opérations de ces banques en roubles seront effectuées et les services appropriés seront fournis à tous les clients comme d’habitude (…). Tous les moyens des clients en devises étrangères ont également été préservés et peuvent être délivrés en ces devises », assure le communiqué.
« La Banque de Russie est prête à soutenir les banques avec des roubles et des devises étrangères, prête à prendre des mesures supplémentaires pour assurer la stabilité et la continuité des activités opérationnelles des banques , pour défendre les intérêts de leurs créanciers et épargnants », ajoute-t-elle.
L’utilisation des cartes Visa ou Mastercard impossible à l’étranger
Sberbank a assuré jeudi que tous ses systèmes et ses bureaux continuaient de fonctionner « normalement », ses clients ayant « pleinement l’accès » à tous leurs moyens financiers. De son côté, VTB a annoncé qu’en raison de sanctions, l’utilisation de ses cartes bancaires de types Visa et Mastercard à l’étranger était « impossible ».
« Nous vous recommandons de retirer du liquide à l’avance pour les paiements sur le territoire des pays étrangers », a indiqué VTB dans un communiqué, en précisant que sur le territoire russe toutes les cartes étaient opérationnelles « sans restrictions ».
Novikombank, également sanctionnée, a indiqué que la « mise en place de sanctions ne va pas affecter » ses activités. « Nous garantissons la sécurité des moyens financiers de nos clients et de leurs intérêts », a assuré la banque dans un communiqué.
Le système Swift n’est pas bloqué
L’Union européenne, réunie en sommet à Bruxelles, a durci jeudi soir ses sanctions contre la Russie, après son invasion de l’Ukraine, sans toutefois aller jusqu’à exclure le pays du système d’échanges bancaires internationaux Swift. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait réclamé de bloquer l’accès de la Russie au système de messagerie bancaire Swift pour l’isoler financièrement du reste du monde, à l’instar de l’Iran fin 2019. Quelque 300 banques et institutions russes utilisent Swift pour leurs transferts de fonds interbancaires. Mais il n’a pas été suivi. Plusieurs Etats membres freinent, dont l’Allemagne, très dépendante du gaz russe pour son approvisionnement, qui préfère l’envisager pour plus tard. L’Italie, également très dépendante du gaz russe, mais aussi la Hongrie, Chypre, ou la Lettonie, partagent les réticences de Berlin.
« Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent », a promis la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. C’est le train de sanctions le « plus sévère jamais mis en oeuvre » par l’UE, a affirmé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
L’UE va notamment limiter drastiquement l’accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, entravant et renchérissant le financement de sa dette. Selon Ursula von der Leyen le nouvel ensemble de sanctions économiques contre la Russie, « ciblent 70% du marché bancaire russe et des entreprises publiques majeures, dont dans le secteur de la défense ».
L’UE va réduire l’accès de la Russie à des « technologies cruciales », en la privant de composants électroniques et de logiciels, de façon à « pénaliser gravement » son économie, a expliqué Ursula von der Leyen. Elle a dévoilé différentes mesures lors d’une conférence de presse : interdiction d’exporter vers la Russie des avions, pièces et équipements de l’industrie aéronautique et spatiale, ainsi que des technologies de raffinage pour l’industrie pétrolière. Les restrictions d’exportations toucheront aussi les biens à double usage (civil et militaire). Des mesures également décidées par Washington.
Les banques de l’UE auront interdiction d’accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100.000 euros et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l’accès aux financements européens. De nouvelles sanctions frapperont des individus dans les cercles du pouvoir (gel des avoirs, interdiction du territoire européen…). Elles s’ajouteront à celles déjà entrées en vigueur mercredi soir, notamment contre des personnalités proches de Poutine. « L’impact sera maximum sur les élites russes », assure Ursula von der Leyen.
Le Bélarus, accusé d’être impliqué dans les opérations russes, sera par ailleurs frappé de sanctions supplémentaires.
Objectif : porter un coup très dur à la finance et à l’économie russe
Les sanctions européennes « feront monter l’inflation, accéléreront les sorties de capitaux et éroderont progressivement la base industrielle » du pays, a affirmé Ursula von der Leyen. Porter un coup terrible à la finance comme à l’économie russe, pendant que Vladimir Poutine sera relégué au rang de « paria » sur la scène internationale : Joe Biden a, lui aussi, défendu jeudi un arsenal de sanctions mises au point par les Etats-Unis et leurs alliés en réponse à l’invasion de l’Ukraine.
Ces représailles économiques et financières « dépassent tout ce qui a jamais été fait », a soutenu le président américain lors d’une allocution télévisée très attendue depuis la Maison Blanche.
Mais il a reconnu qu’il « faudrait du temps » pour évaluer l’effet des sanctions américaines, qui contournent le secteur de l’énergie, crucial pour la Russie. Avec les sanctions annoncées jeudi, il s’agit de tarir à court terme des flux de financement de la Russie et de compromettre à long terme son développement technologique et militaire, tout en bousculant les richissimes oligarques russes.
Joe Biden a annoncé par ailleurs que plusieurs grandes entreprises russes – 13 au total – ne pourraient plus désormais se financer sur le marché financier américain, une sanction qui avait déjà été prise contre le gouvernement russe lui-même.
Il a toutefois précisé que ces lourdes représailles financières ne s’appliqueraient pas au secteur des hydrocarbures, qui procure d’abondants revenus à la Russie: « Nous avons précisément conçu (les mesures) de manière à permettre aux paiements de continuer pour l’énergie ». Washington craint de faire flamber encore davantage les cours du pétrole et du gaz.
Pour le président ukrainien Volodimir Zelenski, les sanctions occidentales imposées contre Moscou étaient insuffisantes. Il a reproché à la communauté internationale d’assister de loin aux événements en cours en Ukraine, dont la capitale Kiev a été frappées aux premières heures de vendredi par des tirs de missiles russes. Dans une vidéo diffusée quelques heures plus tôt, Volodimir Zelenski a dit être « la cible numéro une » de la Russie et a assuré qu’il ne quitterait pas Kiev.
Face à ces sanctions, Moscou promet une réplique « sévère »
Avec Reuters