Dans le cadre de sa politique de réconciliation nationale, le président Ouattara a autorisé le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Panser les plaies encore ouvertes de la guerre civile de 2010-2011 est une sage décision, mais les actes passés de l’ex-président ne sont pas oubliés.
Ce 17 juin, l’ex-président de Côte d’Ivoire, récemment acquitté par la cour pénale internationale (CPI) atterrira dans son pays après dix ans d’exil. Un retour, permis par les autorités ivoiriennes dans le cadre de la politique de réconciliation et d’apaisement.
Dans un imbroglio tragi-comique de résultats électoraux plus ou moins arrangés et de non-reconnaissance d’une défaite à l’élection présidentielle de 2010, Laurent Gbagbo a quitté le pays en même temps que la scène politique ivoirienne en 2011. Relativement isolé, probablement usé, mais conservant encore des soutiens chez une bonne partie de ses partisans historiques, Laurent Gbagbo a su donner des gages de bonne foi ces derniers mois et émettre les messages de modération attendus.
Ex-président boutefeu et diviseur
Le discours conciliant de Laurent Gbagbo, ne doit cependant pas faire oublier le rôle qu’il a joué en Côte d’Ivoire depuis plus de trente ans. Promoteur d’une « ivoirité » stricte, voulue initialement par Henri Konan Bédié, il n’a jamais cessé de souffler sur les braises des divisions ethnique et politique du pays. Il est évidemment l’un des animateurs majeurs de la crise politico-militaire de 2002-2011, pour ne pas dire l’acteur principal. Son élection en 2000 a d’ailleurs fini par poser plus de problèmes que de solutions à la crise devenue permanente en Côte d’Ivoire. La découverte de charniers à Yopougon dans un contexte de tensions interethniques quelques jours après l’élection contestée de 2000 de Laurent Gbagbo est même devenue un marqueur de son pouvoir.
En 2010, son refus du résultat du scrutin présidentiel remporté par Alassane Ouattara eut pour conséquence la reprise des combats et des milliers de victimes. C’est à la suite de ces événements, en avril 2011, qu’il fut arrêté et emmené à La Haye où il restera incarcéré jusqu’à son acquittement le 15 janvier 2019.
Réconcilié, mais rester prudent
Grand tribun et agitateur de foules, Laurent Gbagbo se fait aujourd’hui le promoteur d’une vie politique plus apaisée en Côte d’Ivoire. Compte tenu de son poids politique, le retour de Laurent Gbagbo à Abidjan peut concrétiser la réconciliation du pays et matérialiser la cicatrisation des plaies encore ouvertes de la guerre civile. C’est une très grande responsabilité à la fois pour le président Ouattara engagé dans une sage politique de la main tendue, mais aussi pour Laurent Gbagbo mis à l’épreuve des faits de la tentative de réconciliation. Les faits et gestes de Laurent Gbagbo seront donc scrutés et observés. Ses futures déclarations auront, nul ne le doute, un impact sur la poursuite de cette réconciliation et sa réalité au sein de la population.
Il est logique que le gouvernement ivoirien, et la France avec qui les liens politiques, économiques, sécuritaires sont étroits, regardent d’un œil prudent les conditions de la réinsertion de Laurent Gbagbo dans le paysage politique du pays. La Côte d’Ivoire n’a d’ailleurs pas la possibilité de se permettre un retour des tensions inutiles. La guerre fait rage chez la plupart des voisins du G5 Sahel au nord. Les dix-neuf morts de l’attaque terroriste de Grand Bassam du 13 mars 2016 et les tués dans les attaques jihadistes récentes de juin 2021 dans le nord du pays, obligent au plus grand des sérieux et bien sûr à la cohésion nationale.
Enfin, redevenue la locomotive économique régionale en doublant son PIB ces dix dernières années, la Côte d’Ivoire ne peut plus à l’évidence, s’encombrer de troubles fêtes. La feuille de route est claire. Laurent Gbagbo doit maintenant s’inscrire dans une logique définitive d’apaisement et de reconstruction du pays.
(*) Peer de Jong est professeur à l’Ecole de Guerre économique.
(**) Francis Simonis est maître de conférence histoire de l’Afrique à l’université d’Aix-Marseille.