Un premier round de sanctions face à l’invasion de la Russie en Ukraine est tombé. Il vient en réalité confirmer les premières décisions de l’Union européenne, annoncées quelques heures après l’attaque de la Russie en Ukraine. Les Européens ont notamment décidé de sanctionner le président russe Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov par un gel de leurs avoirs dans l’UE.
Pour autant, l’arme fatale de couper l’accès au réseau bancaire SWIFT reste écartée. Ceux qui s’opposent à une exclusion de la Russie de ce système auront « le sang d’innocents hommes, femmes et enfants de l’Ukraine sur les mains », a affirmé le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba.
Se montrer ferme, tout en évitant des conséquences économiques néfastes qui pourraient toucher, par effet de ricochet, les foyers européens. Tel est le dilemme auquel se trouve confrontée l’Union européenne dont la position officielle est de vouloir « couper tous les liens entre la Russie et le système financier mondial », a affirmé vendredi le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire après l’invasion russe en Ukraine.
Tout en rappelant que l’économie française était « peu exposée à la Russie » et que les sanctions ne toucheraient que « quelques entreprises françaises » Bruno Le Maire a rappelé que « la Russie est un partenaire économique secondaire de la France« . Ce sont toutefois près de 500 entreprises qui sont présentes en Russie, dont 35 entreprises du CAC 40. La France est aussi le premier employeur étranger en Russie. Les entreprises craignent notamment une potentielle flambée des prix des matières premières dont l’aluminium, l’acier, le pétrole et le gaz. Le ministre a d’ailleurs consulté jeudi plusieurs fédérations d’entreprises françaises, dont l’automobile, le nucléaire et l’aéronautique.
« Nous voulons isoler financièrement la Russie (…) Nous voulons assécher les financements » de l’économie russe, a assuré Bruno Le Maire.
« Notre objectif est de faire plier l’économie russe, cela prendra le temps nécessaire », a-t-il encore affirmé au lendemain de l’annonce de sanctions européennes.
Swift n’est pas à l’ordre du jour
Pour autant, l’Union européenne n’abat pas l’arme financière – à double tranchant – d’exclure la Russie du système financier SWIFT. Selon le site de l’association nationale russe Rosswift, la Russie serait le deuxième pays après les États-Unis en nombre d’utilisateurs avec quelque 300 banques et institutions russes membres du système. Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans SWIFT.
Ce que réclame pourtant ardemment le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Concrètement les banques russes se verraient interdites d’utiliser le système SWIFT, un rouage essentiel de la finance mondiale en assurant notamment le transit d’ordres de paiement et de transferts de fonds. « C’est la toute dernière option », a affirmé M. Le Maire.
Ceux qui s’opposent à une exclusion de la Russie du système Swift auront « le sang d’innocents hommes, femmes et enfants de l’Ukraine sur les mains« , a jugé le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba dans un tweet.
En cause, les réticences allemandes mais aussi le refus de plusieurs Etats membres dont l’Italie, la Hongrie et Chypre.
« Des étapes supplémentaires sont encore possibles mais nous devons être méfiants quant à leurs effets : c’est à l’économie russe qu’il s’agit de faire subir des conséquences », a souligné le ministre allemand des Finances Christian Lindner, présent aux côtés de son homologue français.
L’Allemagne est particulièrement dépendante de la Russie dans le secteur du gaz, et une exclusion du système SWIFT de Moscou pourrait avoir de lourdes implications sur les approvisionnements de Berlin.
L’efficacité des sanctions
« Malgré cela, il est peu probable qu’elles (les sanctions) suffisent à modifier le calcul de Vladimir Poutine à court terme, étant donné que les marchés énergétiques de la Russie, ainsi que d’autres exportations clés, et l’accès à Swift ont été exclus. Cela explique peut-être pourquoi les marchés américains se sont retournés », envisage Michael Hewson analyste de CMC Markets.
Washington a assuré jeudi que couper la Russie du réseau interbancaire Swift, un rouage essentiel de la finance mondiale, restait « une option ». Mais il a précisé qu’une telle décision, réclamée par l’Ukraine, n’était pas soutenue par les Européens.
L’UE préfère garder cette mesure en réserve pour un futur train de sanctions, confirme une source européenne.
Paris va par ailleurs participer à hauteur de 300 millions d’euros à l’octroi d’une aide de l’UE de 1,2 milliard d’euros à Kiev, décidée lundi à Bruxelles.
L’UE va sanctionner Vladimir Poutine, la France les avoirs russes
Les Européens ont décidé vendredi de sanctionner le président russe Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov par un gel de leurs avoirs dans l’UE, ont indiqué des sources européennes à l’AFP.
Elle va également réduire son accès à des « technologies cruciales », en la privant de composants électroniques et de logiciels, de façon à « pénaliser gravement » son économie, a expliqué jeudi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Concernant les sanctions ciblant des personnalités russes, la Direction générale des Finances publiques va se charger d’identifier les avoirs en France des personnes visées, a-t-il expliqué.
« 70% du marché bancaire russe » ciblé
« Ces sanctions auront des répercussions maximales sur l’économie et l’élite politique russes. Elles reposent sur cinq piliers: le premier est le secteur financier; le deuxième est le secteur de l’énergie; le troisième est le secteur des transports; le quatrième est le contrôle des exportations et l’interdiction du financement des exportations; le cinquième, enfin, est la politique des visas », a résume Ursula von der Leyen, présidente la Commission européenne.
« Nous ciblons à présent 70 % du marché bancaire russe. »
En limitant drastiquement l’accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, l’objectif est de couper la capacité d’emprunt de la Russie.
« Poutine s’efforce d’asservir un pays européen ami. Et il tente de retracer les cartes de l’Europe par la force. Il doit, et il va, échouer dans son entreprise », a affirmé la Présidente.
ZOOM : la prise d’un canal stratégique en Crimée
Les forces russes ont annoncé jeudi soir avoir pris le contrôle d’un canal vital pour approvisionner en eau la Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie et qui souffrait de pénuries depuis huit ans.
« Grâce à l’utilisation des régiments terrestres et des troupes aéroportées (…), les forces russes ont pu arriver jusqu’à la ville de Kherson ce qui a permis de débloquer le canal Nord-Crimée et de rétablir l’approvisionnement en eau de la péninsule de Crimée », a indiqué l’armée russe.
Les autorités ukrainiennes avaient coupé les vannes de ce canal situé dans la région de Kherson, qui assurait 85% des besoins en eau de la Crimée, peu après l’annexion de la péninsule au printemps 2014.
Depuis, la Crimée faisait face à de graves pénuries d’eau, notamment pendant les périodes de sécheresse en été. Le blocus du canal a également affecté l’agriculture de la péninsule, connue autrefois pour ses plantations de riz et de maïs.
(Avec AFP)