La directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a prédit ce mardi une « récession mondiale » alors que le monde est en proie à des « crises multiples ». Un scénario qui n’est pas retenu par l’OCDE même si elle estime néanmoins que « les risques ont augmenté ces derniers mois ». Des projections économiques qui sont loin d’être fixes dans le temps. Elles pourraient s’aggraver en cas de perturbations dans l’approvisionnement énergétique et si l’inflation augmente encore.
Insécurité, chocs climatiques, hausse des prix des denrées… Le monde entier connaît actuellement des « chocs exogènes simultanés » qui le fragilisent d’après la patronne de l’OMC. S’exprimant à l’ouverture du forum public annuel de l’OMC à Genève ce mardi 27 septembre, Ngozi Okonjo-Iweala a souligné que l’organisation s’attendait auparavant à une « reprise post-pandémie ». Or « maintenant, nous devons faire face à ce qui ressemble à une récession qui approche », a-t-elle dit, avant de préciser qu’il s’agissait d’ « une récession mondiale ».
Pas question toutefois de s’apitoyer sur ce constat. « Nous devons commencer à penser à la reprise. Nous devons réfléchir à ce que nous devons faire, aux politiques que nous devons mener pour restaurer la croissance », considère la directrice générale de l’OMC. Elle a néanmoins souligné que la situation était « très difficile », le monde faisant face à « des crises multiples ».
« Seulement » des risques pour l’OCDE
Une vision que ne partage pas totalement l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Le scénario central n’est pas à une récession mondiale mais les risques ont augmenté ces derniers mois », estime l’économiste en chef par intérim, Alvaro Pereira, dans un entretien accordé à l’AFP lundi.
L’institution a nettement dégradé sa prévision de croissance mondiale pour l’an prochain devant les effets plus durables qu’anticipé du conflit en Ukraine et la hausse des taux d’intérêt des banques centrales pour contenir l’inflation. Elle table désormais sur une progression du PIB mondial de 2,2% pour 2023, contre 2,8% attendus en juin. Elle a néanmoins maintenu sa prévision pour 2022 à 3%. « Les pressions inflationnistes sont de plus en plus généralisées, la hausse des prix de l’énergie, des transports et d’autres coûts se répercutant sur les prix », écrit l’OCDE dans son rapport trimestriel.
Ces prévisions en baisse concernent la quasi-totalité des pays du G20 à l’exception de la Turquie, de l’Indonésie et du Royaume-Uni, dont l’activité économique stagnera.
L’Allemagne premier touché
Concernant la zone euro, l’OCDE juge là aussi que « les risques de récession ont augmenté ». À l’échelle individuelle, elle retient le scénario de la récession uniquement pour l’Allemagne pour le moment. La première économie européenne verrait ainsi son PIB reculer de 0,7% l’an prochain, un plongeon de 2,4 points par rapport à la précédente prévision.
C’est aussi ce que prédit la Banque centrale allemande. La semaine dernière, l’institut monétaire a annoncé que le PIB allemand devrait « sensiblement reculer au quatrième trimestre » et « probablement au premier trimestre de l’année à venir », sans toutefois avancer de chiffres précis.
Ses principaux voisins devraient échapper à la récession. Une croissance de 0,4% est attendue en Italie, de 1,5% en Espagne, et de 0,6% en France, là où le gouvernement table encore sur 1%.
Vent d’inquiétude
Rien n’est pour autant figé, prévient l’OCDE, qui avertit qu’une « incertitude importante entoure ces projections économiques », devant le risque de pénuries d’énergie pendant l’hiver.
Alvaro Pereira alerte : « La situation pourrait s’aggraver en cas de perturbations dans l’approvisionnement énergétique et si les prix augmentent encore. Selon un scénario sur lequel nous avons travaillé, une hausse de 50% des prix du gaz pourrait mener à une baisse supplémentaire du PIB de 1,25% en Europe. C’est énorme et cela signifie que la zone euro serait à coup sûr en récession ».
Ce scénario est d’autant plus inquiétant que les banques centrales des pays développés et émergents sont fermement engagées à remonter leurs taux d’intérêt pour contenir l’inflation, avec le risque de saper là aussi la croissance. Pour la directrice de l’OMC, « les banques centrales n’ont pas vraiment d’autre choix » que de les augmenter en raison de l’inflation. Or, ces hausses sont un « un facteur clé » dans le ralentissement à l’œuvre, relève l’OCDE.
Si l’OCDE appelle les banquiers centraux à continuer cette politique, Ngozi Okonjo-Iweala insiste sur l’importance pour les banques centrales de bien déterminer si l’inflation est provoquée par la forte demande ou si la hausse des prix est liée à des raisons structurelles du côté de l’offre. « S’il s’agit de facteurs liés à l’offre sur lesquels vous n’avez pas de contrôle, continuer à augmenter les taux d’intérêt est contre-productif », averti-t-elle.
Avec AFP