Vincent Biruta : « Nous sommes avant tout des Rwandais et nous avons notre langue nationale »

A la veille de sa participation à la 40e session extraordinaire de la Conférence ministérielle de La Francophonie qui s’est déroulée à Paris ce 16 mars et alors que le monde fêtait ce dimanche 20 mars la Journée mondiale de la francophonie, Vincent Biruta, ministre des Affaires étrangères et de la coopération du Rwanda, nous a livré la position de son pays sur les questions liées à la francophonie, au réchauffement des relations franco-rwandaises, mais ausii à l’intégration régionale et au conflit russo-ukrainien.

Quel regard portez-vous sur la question de la francophonie, alors que l’anglais est aujourd’hui la langue d’enseignement public au Rwanda, en remplacement du français, et ne cesse de progresser au sein de la population et de l’administration ?

Vincent Biruta : La francophonie est importante pour nous, puisque le Rwanda est membre de l’OIF [Organisation internationale de la Francophonie qui compte 54 Etats membres et des Etats observateurs. Le Rwanda a d’ailleurs la chance d’être à la fois membre de l’OIF et du Commonwealth. Cela nous permet de bénéficier d’un réseau de partenariats plus large. Il faut rappeler que géographiquement, le Rwanda se situe au milieu du continent : en Afrique de l’Est, mais aussi en Afrique centrale. Nous avons des frontières et des échanges commerciaux importants avec des pays francophones et d’autres anglophones. N’oubliez pas qu’avant tout, nous sommes Rwandais. Nous ne sommes ni Français, ni Anglais et nous avons notre langue nationale qui est l’ikinyarwanda.

Pour la première fois de son histoire, le Rwanda a été représenté (25 entreprises) à la dernière édition du Salon de l’Agriculture de Paris (26 février-6 mars). Est-ce un autre signe de rapprochement ou plutôt une opération commerciale inédite pour promouvoir les produits et le tourisme rwandais ?

Effectivement, plusieurs opérateurs rwandais, dans une démarché privée, ont participé au Salon de l’agriculture de Paris. C’était une occasion pour à la fois identifier de nouveaux partenariats et promouvoir les produits et le savoir-faire du Rwanda. D’ailleurs, depuis que les relations entre le Rwanda et la France se sont détendues, les deux pays entretiennent de plus en plus des contacts aux nivaux politique, économique et entrepreneurial.

Justement dans ce cadre, le chef d’état-major des Forces rwandaises de défense, Jean Bosco Kazura, et d’autres officiers de haut rang ont été reçus en début de semaine à Paris par le général Thierry Burkhard, chef d’état-major français des armées…

Cette visite reflète elle aussi le nouveau visage de la relation entre les deux pays et s’insère, à l’instar d’autres visites, dans le cadre de la coopération entre institutions et l’établissement de futurs partenariats.

En rouvrant cette semaine ses frontières avec le Burundi, le Rwanda a fait un grand pas dans le rapprochement entre les deux pays. La réciproque du côté burundais est-elle imminente ?

Il faudrait peut-rappelé que les frontières terrestres entre les deux pays avaient été fermées dans le contexte de la crise de la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, avec l’amélioration de la situation sanitaire, nous avons justement décidé de lever une partie des restrictions en rouvrant les frontières. Maintenant, chaque pays décide du moment et du niveau de levée de ses restrictions.

En matière d’intégration régionale, quels seraient les avantages à tirer de la mise en application de la Zelcaf, la Zone de libre-échange continentale africaine, sur l’économie rwandaise ?

La Zelcaf est une réelle opportunité pour les échanges commerciaux intra-africains, mais aussi pour les échanges entre l’Afrique. Il existe bien évidemment d’autres protocoles qui doivent être signés, notamment Celui relatif à la circulation des personnes entre les pays africains. Je pense que la Zlecaf est importante, mais il faut la faire accompagner notamment par des investissements dans les infrastructures qui justement faciliteraient ses échanges commerciaux.

Des pays européens comme africains se sont prononcés sur le conflit russo-urkainien avec des positions qui, pour des raisons de souveraineté, mais aussi d’intérêts nationaux, qui se sont finalement révélées différentes. Quelle analyse en faites-vous ?

Comme vous l’avez remarqué, ce conflit divise aujourd’hui le monde et donc il est tout à fait naturel qu’il y ait des positions qui diffèrent d’un pays à l’autre. Ces dernières restent liées bien évidemment à la souveraineté, aux partenariats et enjeux nationaux et internationaux, mais aussi à la compréhension même de ce conflit. Lorsque l’Onu a proposé en Assemblée générale une résolution sur la situation entre l’Ukraine et la Russie [le 2 mars 2022, ndlr], l’Afrique s’est montrée partagée : vingt-huit pays ont voté en faveur de la résolution, un pays a voté contre [Érythrée, ndlr], vingt-cinq pays ont décidé de ne pas se prononcer.

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