L’énergéticien russe Gazprom coupe progressivement son robinet de gaz, privant ainsi les pays européens de cette source d’énergie. Pour pouvoir pallier une éventuelle pénurie, le gouvernement autrichien a annoncé dimanche soir le redémarrage d’une centrale à charbon désaffectée. L’Allemagne, qui a également annoncé dimanche un probable recours accru au charbon pour compenser les baisses de livraisons de gaz russe, affirme néanmoins maintenir son objectif d’abandonner cette énergie polluante en 2030. Ce lundi, les Pays-Bas ont levé les restrictions de production électrique au charbon.
Au quatrième mois de la guerre en Ukraine, Moscou appuie là où cela fait mal et joue de la vulnérabilité énergétique des Européens, dont 40% du gaz brûlé vient habituellement de Russie. Après la réduction des livraisons de gaz observée la semaine dernière, le robinet russe est fermé en Pologne, Bulgarie et Finlande, et son débit est fortement réduit vers l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, tandis que plus aucun mètre cube n’arrive en France. Les pays comme l’Allemagne cherchent ainsi à pallier les baisses de livraison de gaz russe, quitte à recourir à des solutions peu écologiques, comme le charbon. Ce lundi soir, les Pays-Bas ont annoncé la levée des restrictions de production électrique au charbon afin de compenser une baisse des approvisionnements en gaz en provenance de Russie, un jour après que l’Allemagne voisine a pris une mesure similaire.
« Le cabinet a décidé de lever immédiatement les restrictions de production pour les centrales électriques au charbon de 2022 à 2024 », a annoncé le ministre du climat et de l’énergie néerlandais, Rob Jetten, lors d’une conférence de presse.
« Cela signifie que les centrales électriques au charbon peuvent à nouveau fonctionner à pleine capacité au lieu du maximum de 35 % », a-t-il ajouté, en précisant qu’il n’y avait « pas de pénurie de gaz pour le moment ». Les centrales au charbon néerlandaises ne pouvaient depuis janvier pas fonctionner à plus de 35% de leur capacité maximale afin de réduire leurs émissions de CO2.
« Davantage de pays sont maintenant sous pression (de la Russie) Cela nous inquiète. En raison de ces préoccupations, j’annonce aujourd’hui une crise du gaz de niveau un: l’alerte précoce », a ajouté le ministre.
Le gazier russe Gazprom a annoncé en mai la suspension des livraisons au fournisseur néerlandais GasTerra, appartenant en partie à l’État néerlandais, après que la firme a refusé de payer en roubles.
La décision néerlandaise intervient alors que l’Allemagne et l’Autriche ont également annoncé des mesures pour utiliser davantage de charbon.
Dimanche soir, le gouvernement autrichien a ainsi annoncé le prochain redémarrage d’une centrale à charbon désaffectée, afin de pouvoir compenser les effets d’une éventuelle pénurie de gaz. Cette annonce intervient dans la foulée de celle du gouvernement allemand, qui a aussi annoncé qu’il allait prendre des mesures d’urgence pour sécuriser son approvisionnement, notamment en ayant davantage recours au charbon.
La centrale thermique de Mellach
Le gouvernement autrichien compte réactiver une centrale à charbon fermée au printemps 2020 par un gouvernement qui voulait éliminer cette source d’énergie polluante et produire 100% d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030. Il s’agit du site de Mellach. Avec le groupe Verbund, principal fournisseur d’électricité du pays, « il a été convenu de réactiver la centrale thermique » située à Mellach (sud), actuellement à l’arrêt, a annoncé la chancellerie dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion de crise. L’objectif est « qu’elle puisse à nouveau produire de l’électricité, à partir du charbon, en cas d’urgence ». Le processus devrait prendre plusieurs mois, a précisé le ministère de l’Environnement interrogé par l’agence de presse APA.
« Notre but premier est de sécuriser l’approvisionnement du pays », dont le gaz provient à 80% de Russie, a justifié le chancelier conservateur Karl Nehammer, qui gouverne avec les Verts. « Il s’agit de remplacer le gaz russe manquant par d’autres sources ou fournisseurs afin de pouvoir continuer à constituer des réserves ».
L’Autriche affichait à la mi-juin un taux de stockage de 39%, pour une capacité totale de 95 Térawatts-heure correspondant aux besoins annuels, soit un pourcentage supérieur à la moyenne de l’Union européenne (UE), selon le communiqué. Le gouvernement avait déjà présenté en mai un plan d’urgence, mais il a décidé d’aller plus loin alors que le géant russe Gazprom a annoncé ces derniers jours des baisses de livraison de gaz.
Un revirement pour l’Allemagne, « à court terme »
Angoissée par les coupures de gaz russe, l’Allemagne va aussi recourir davantage aux centrales à charbon. Alors que l’énergéticien russe Gazprom a baissé cette semaine les livraisons via le gazoduc Nord Stream de 40%, puis de 33%, le gouvernement allemand a annoncé ce dimanche qu’il allait prendre des mesures d’urgence en ce sens pour sécuriser son approvisionnement. Pour rappel, même si elle a réussi à diminuer son exposition au gaz russe, l’Allemagne continue d’importer près de 35% de son gaz depuis la Russie (contre 55% avant la guerre).
C’est un revirement pour le gouvernement de coalition d’Olaf Scholz, faisant la part belle aux Verts, et qui avait promis d’anticiper la sortie du charbon d’ici à 2030. « Pour réduire la consommation de gaz, il faut utiliser moins de gaz pour produire de l’électricité. À la place, les centrales à charbon devront être davantage utilisées », a indiqué dimanche le ministère allemand de l’Économie. « C’est amer, mais c’est indispensable pour réduire la consommation de gaz », a avancé le ministre écologiste de l’Économie et du Climat Robert Habeck, promettant que ce recours au charbon, nécessaire pour faire face à « l’aggravation » de la situation sur le marché gazier, sera « provisoire ».
Le gouvernement allemand a tenu à repréciser lundi qu’il maintenait néanmoins son objectif d’abandonner le charbon, énergie polluante, à horizon 2030. Point central du contrat de coalition du chancelier social-démocrate Olaf Scholz avec ses partenaires écologistes et libéraux.
« La sortie du charbon en 2030 n’est pas du tout vacillante (…) nous devrons peut-être redémarrer des centrales à charbon (…) ce qui entraînera naturellement une augmentation des émissions de CO2, il est donc d’autant plus important que nous nous en tenions fondamentalement à notre calendrier », a déclaré un porte-parole du ministère de l’Economie et du Climat, lors d’une conférence de presse à Berlin.
La relance des centrales à charbon sera « une mesure à court terme », sur une période « limitée », jusqu’en 2024, a insisté lundi le porte-parole du ministère de l’Economie et du Climat, Stephan Gabriel Haufe.
Hausse des prix
Les Européens ont dénoncé un chantage au gaz de Vladimir Poutine, alors que le continent veut profiter de l’été pour remplir ses stocks. Le gaz ne manque pas pour l’instant pour la plupart des Européens, en période estivale, car il n’y a pas besoin de chauffer les bâtiments. Mais les réductions interviennent alors que les pays doivent profiter de l’été pour remplir leurs réserves, avec un objectif d’au moins 80% d’ici novembre dans l’Union européenne.
La France et l’Allemagne, parmi d’autres, veulent éviter la panique et rassurer leurs citoyens: les stocks des deux pays augmentent et en sont à 56%. L’UE est en moyenne à 52%, selon Gas Infrastructure Europe, ce qui est mieux que l’an dernier à la même époque, mais en dessous des deux années précédentes. La baisse des livraisons fait quoi qu’il en soit monter les prix, ce qui coûtera cher aux industriels, notamment en Allemagne.
(Avec AFP)