L’espace public semble ne pas occuper la place censée lui revenir dans les projets d’aménagement des villes africaines. Pourtant, il représente l’entrelacement des populations, l’intégration et l’interaction entre les habitants ; il représente un puissant levier de la mixité sociale si chère à la ville durable. Il faut justement le repenser sur le continent.
L’animation civique et l’ouverture aux activités économiques permises par l’espace publique sont autant de fonctionnalités qui appellent à des exigences techniques pour les aménageurs. Ces lieux doivent être empreints de l’histoire et des réalités culturelles de leurs occupants, afin que ceux-ci s’y retrouvent comme dans un cocon douillet, pour dynamiser la vie de quartier, en stimulant des initiatives locales qui, à leur tour, permettront de rassembler, de solidariser et d’entretenir la mixité dans une boucle vertueuse. Il est toutefois à prendre en compte des mesures sécuritaires visant à prévenir des actes de malveillance et à protéger les usagers de ces espaces, par des moyens de surveillance et de protection du mobilier urbain notamment.
Il est à cet égard à regretter que le mobilier urbain n’investisse pas assez les villes africaines. Cela reste un énorme gâchis, car le mobilier urbain a ceci de bénéfique qu’il permet à la fois, de favoriser le repérage des espaces, de renforcer le sentiment d’appartenance, le goût du partage, le sens de la convivialité et la qualité de vi(ll)e. Suivant ses emplacements, et ses matériaux de constitution, il peut ainsi devenir le vecteur clé d’une ambition (re)affirmée d’agir en faveur de la protection environnementale, en intégrant parfois l’usage du numérique pour servir de lieux d’information et de repérage à l’effet de consolider l’ancrage local des usagers sur leur territoire.
Par ailleurs, l’extrême effervescence des espaces publics africains génère beaucoup de nuisances sonores susceptibles d’impacter la qualité de vie des citadins. On n’en parle quasiment pas, mais le bruit est l’une des principales composantes qui entrent en ligne de compte dans les critères de choix de l’emplacement d’un domicile. Si les exigences concernant les performances acoustiques peinent à se révéler dans le monde africain du BTP ; les réglementations sont elles-mêmes inexistantes dans l’extrême majorité des pays. Il n’en demeure pas moins qu’en milieu urbain, les bruits de circulation, du voisinage, et des activités proches constituent de réelles sources de gêne, et (souvent) de discorde entre les habitants d’un même quartier. Il faut là aussi, marquer un accent fort sur la prise en charge de cette question par les pouvoirs publics africains.
En effet, la sensibilité aux bruits est subjectivement variable mais semble affecter plus de femmes que d’hommes de manière générale, en touchant majoritairement les personnes pauvres. Pour limiter ces nuisances, il est important de concevoir des réglementations qui imposent des seuils à respecter et qui protègent les habitants. En clair et au vu de ce qui précède, le défi de l’aménagement en Afrique est de faire de l’espace public le lieu même de la vitalité, de la vie en ville.
(*) Ingénieur du bâtiment. Il se définit davantage comme un « socioingénieur » du fait de son engagement au profit du développement des bâtiments et villes durables en Afrique.