En février, l’ambassadeur du Japon à Madagascar a suscité beaucoup d’espoirs en annonçant le probable redémarrage de la grande mine de nickel et de cobalt d’Ambatovy (détenue majoritairement par l’entreprise japonaise Sumitomo Corporation), après 11 mois de suspension en raison des restrictions liées à la lutte contre la pandémie de la COVID-19. La reprise de la production représenterait une bonne nouvelle pour Madagascar dans un contexte de grave crise socio-économique.
À l’image de l’Afrique qui subit une récession historique, Madagascar devrait faire face à une contraction de son PIB de 4,2% en 2020 selon une note d’analyse de la Banque mondiale. L’institution de Bretton Woods, qui craint une stagnation durable du développement, prévoit que cette récession affectera lourdement les populations et provoquera une baisse considérable des recettes fiscales. Comme de nombreux autres pays du continent, le gouvernement malgache doit trouver des réponses urgentes pour relancer la croissance économique et créer des emplois. Dans une tribune publiée le 28 février, M. Jean-Luc Marquetoux, Président de la Chambre des Mines de Madagascar (CMM), a appelé l’Etat à s’appuyer résolument sur les opérateurs miniers pour soutenir la relance économique à travers une politique volontariste et en levant les entraves qui les empêchent de travailler. Selon lui, le secteur est vital pour la relance économique mais négligé par l’Etat. Car le secteur minier régresse.
D’après les chiffres de la CMM, la part des produits miniers dans les exportations diminue. Elle est passée de 40,42% en 2014 à 27,59% en 2018. Le secteur n’attire plus non plus les investisseurs. Aucun grand projet n’est entré en opération ces dernières années. Les investissements directs étrangers, dont le secteur minier est la première source, ont chuté : 227 millions de dollars en 2019 contre 808 millions en 2010. Pour inverser cette tendance, la CMM préconise un certain nombre de mesures au niveau de l’État : rassurer les investisseurs en stabilisant de l’environnement des affaires et en améliorant la gouvernance, lever le gel sur la délivrance des permis miniers qui menace depuis une dizaine d’années la survie des petites et grandes mines, et appuyer la réalisation des grands projets existants comme les projets de bauxite de Manantenina ou de graphite de BlackEarth dans le sud du pays.
Le cas de Base Toliara est cité comme un exemple emblématique. Situé dans le sud-est du pays, une des régions les plus pauvres de la Grande Île, le projet d’ilménite a été suspendu alors que l’entreprise était sur le point d’y investir 600 millions de dollars et prévoyait près de 4 000 emplois directs, indirects et induits pendant la phase de construction. Cette situation suscite localement l’incompréhension et le mécontentement d’une majorité de la population dont les principales préoccupations sont l’emploi et d’assurer des moyens de subsistance à leur famille dans un contexte où une sécheresse importante et une famine ont aggravé les impacts de la crise économique. Des manifestations d’étudiants ont d’ailleurs secoué fin février la capitale régionale Toliara. Ils réclamaient le versement des bourses promises, sur fond d’inquiétude pour leur avenir. Les acteurs du secteur minier arguent qu’une politique de soutien au secteur minier favorisera le succès de la relance économique. Pour Jean-Luc Marquetoux, « à cours terme, il s’agit de rétablir l’attractivité de notre pays auprès des investisseurs en améliorant la perception du climat global des affaires. À plus long terme, il importe de faire du secteur minier une force structurante de l’économie malgache pour une croissance économique durable, au profit du plus grand nombre. » Il est vrai que le potentiel est là.
Encore en grande partie inexploré, le sous-sol de Madagascar est connu pour être riche en réserves minérales (pierres précieuses, or, nickel, cobalt, chrome, sables minéralisés et uranium). Leur valorisation pourrait être un véritable moteur de croissance économique et de développement social comme l’a souligné un rapport de la Banque mondiale de 2014 qui prévoyait que l’industrie minière pourrait peser jusqu’à 14% du PIB en 2025, alors qu’elle stagne à moins de 5% aujourd’hui. Avec la mise en route des grands projets tel que le fer de Soalala ou l’ilménite de Base Toliara, le rapport anticipait également que les grands opérateurs pourraient peser ensemble plus de 67 000 emplois directs et indirects, soit plus du double qu’en 2018 selon les chiffres de la CMM. Si elle est encadrée par une législation stable et équilibrée, établie en concertation avec les autorités et la société civile, l’activité minière peut jouer un rôle de catalyseur de développement socio-économique pour des régions entières, comme au Bostwana ou en Afrique du Sud. Cela est vrai à court terme à travers les impôts et taxes diverses qu’elle génère, mais aussi à plus long terme, dans la mesure où le secteur minier génère de multiples impacts indirects : densification du tissu industriel par l’emploi de nombreux sous-traitants locaux, formations – techniques qui serviront demain à l’essor de nouvelles industries, effets structurants sur les infrastructures de transport et d’énergie et des investissements sociaux, notamment en matière de santé et d’éducation, pour les communautés d’accueil.